Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/21

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Reuchlin publia un opuscule, Le mot mirifique, où il parle avec enthousiasme de l’hébreu. La langue hébraïque, dit-il, est simple, pure, sacrée, concise et vigoureuse ; Dieu s’en sert pour parler aux hommes, et les hommes pour s’entretenir avec les anges, directement, sans intermédiaire, face à face, comme un ami parle à son ami. Il s’efforce de prouver que la sagesse des nations, les symboles religieux des païens et les pratiques de leur culte ne sont que des modifications et des altérations de la vérité juive, dissimulée dans les mots, les lettres et même la forme des lettres. Au surplus, Reuchlin ne négligea aucune occasion de se perfectionner dans la langue hébraïque. Pendant qu’il résidait à Rome, en qualité de représentant du prince électeur du Palatinat auprès du pape Alexandre VI (1498-1500), il se fit donner des leçons d’hébreu par le Juif Obadia Sforno.

Comme il était le seul chrétien en Allemagne, et même en Europe, qui sût l’hébreu, ses nombreux amis le pressèrent de publier une grammaire hébraïque pour faciliter aux chrétiens l’étude de cette langue. Cette grammaire, la première qui ait été composée par un savant chrétien — elle fut achevée en mars 1506 — et que Reuchlin appelle un monument plus durable que l’airain, présentait certainement bien des lacunes. Elle contenait simplement les règles les plus élémentaires de la prononciation de l’hébreu et des formes des mots, ainsi qu’un petit lexique. Mais elle exerça quand même une sérieuse influence, car elle éveilla le goût des études hébraïques chez plusieurs humanistes, qui s’y adonnèrent ensuite avec ardeur. Quelques disciples de Reuchlin, notamment Sébastien Munster et Widmannstadt, marchèrent sur les traces de leur maître et manifestèrent autant de zèle pour l’étude de l’hébreu que pour celle du grec.

Reuchlin n’était pourtant pas un ami des Juifs. Dans sa jeunesse, il nourrissait contre eux les mêmes préjugés que ses contemporains, les considérant comme dénués de tout goût littéraire ou artistique et les déclarant vils et méprisables. À l’exemple de saint Jérôme, il proclama sans ambages sa haine pour le peuple juif. En même temps qu’il publiait sa grammaire hébraïque, il écrivait une lettre où il attribuait tous les maux des Juifs à leur aveuglement et à leur obstination. Autant que Pfefferkorn,