Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/20

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les Juifs pourraient contester la validité de ses pouvoirs. Dans cet entretien, on prononça pour la première fois le nom de Reuchlin. Il fut, en effet, question d’adjoindre à Pfefferkorn, pour l’examen des ouvrages incriminés, Reuchlin (ou bien Victor de Karben) avec un dominicain de Cologne.

En s’assurant le concours de Reuchlin, dont le savoir et le caractère étaient profondément respectés en Allemagne, les dominicains comptaient que leur entreprise aurait plus de chances de réussite. Peut être aussi espéraient-ils compromettre ce savant, dont les efforts pour répandre l’étude de l’hébreu parmi les chrétiens d’Allemagne et d’Europe étaient vus d’un très mauvais œil par les obscurants. De toute façon ils se trompèrent dans leurs calculs, car Reuchlin, en prenant part à ces débats, porta à l’Église catholique des coups qui l’ébranlèrent jusqu’aux fondements. On put dire plus tard avec raison que ce chrétien teinté de judaïsme avait fait plus de mal à l’Église que tous les écrits de polémique des Juifs.

Jean Reuchlin, de Pforzheim (1455-1522), contribua pour une grande part à faire succéder, en Europe, un esprit nouveau à l’esprit du moyen âge. Sous le nom de Capnion et aidé de son contemporain plus jeune, Érasme, de Rotterdam, il réveilla en Allemagne le goût des lettres et de la science, et prouva que, dans le domaine de l’antiquité classique et des humanités, les Allemands pouvaient rivaliser avec les Italiens. À une culture littéraire fort remarquable, Reuchlin joignait un caractère élevé, une scrupuleuse loyauté, un très grand amour de la vérité. Plus érudit qu’Érasme, il voulait, à l’exemple de saint Jérôme, savoir l’hébreu. Son ardeur à étudier cette langue devint une vraie passion lorsque, pendant son second voyage en Italie, il eut fait la connaissance, à Florence, du célèbre Pic de la Mirandole et appris de lui quels merveilleux mystères on découvrait dans les sources juives de la Cabale. Ce n’est cependant qu’à l’âge mûr qu’il réussit à réaliser complètement son ardent désir d’étudier sérieusement la littérature hébraïque. Il entra, en effet, en rapports, à Linz, à la cour du vieil empereur Frédéric III, avec le médecin et chevalier juif Jacob Loans, qui lui enseigna l’hébreu.

Dès qu’il fut un peu familiarisé avec la littérature hébraïque,