Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/211

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Nathan de Gaza, passa brusquement de la pauvreté à une grande aisance. Cet heureux changement dans sa situation le rendit présomptueux. Quand Sabbataï arriva du Caire à Gaza, Nathan se déclara bruyamment son ami et devint un de ses plus zélés partisans. Il avait alors vingt ans, et Sabbataï quarante.

Dès que Sabbataï et Nathan se furent liés, les révélations prophétiques se produisirent sans interruption. Nathan se présentait comme le prophète Élie, chargé de préparer la voie au Messie, et il proclama que, dans un an et quelques mois, le Messie apparaîtrait dans toute sa gloire, ferait prisonnier le sultan sans se servir d’aucune arme, par le simple charme de ses chants, et établirait la domination d’Israël sur tous les autres peuples. Cet événement merveilleux devait se produire en 1666, et le prétendu prophète de Gaza répandait partout ses écrits pour l’annoncer. À cette nouvelle, Jérusalem et les communautés voisines furent comme prises de vertige ; ceux qui risquèrent quelques timides protestations furent accablés d’outrages.

Bientôt Sabbataï s’aperçut que les rabbins de Jérusalem se montraient peu favorables à son entreprise. II résolut donc de retourner à Smyrne, où il pouvait compter sur l’appui de sa famille et où les lettres prophétiques de Nathan avaient déjà surexcité tous les esprits. Mais avant de partir de Jérusalem, il envoya des messagers actifs et remuants dans les divers pays, pour annoncer l’apparition du Messie et agiter les communautés. Parmi ces agents, les uns, comme Sabbataï Raphaël, de la Morée, étaient des gens sans aveu et sans scrupule, les autres, comme le cabaliste allemand Mathatias Bloch, remplissaient leur rôle dans la naïve simplicité de leur cœur.

Dans l’importante communauté d’Alep, Sabbataï fut reçu en triomphateur. L’accueil fut encore plus enthousiaste à Smyrne, où il arriva dans l’automne de l’année 1665. Personne ne songeait plus à l’excommunication que les rabbins avaient prononcée autrefois contre lui. Il était accompagné de Samuel Primo, de Jérusalem, son secrétaire intime, qui possédait l’art de revêtir de la pompe du style officiel les choses les plus insignifiantes et de présenter ces extravagances messianiques comme le plus important événement de l’univers. Samuel Primo seul savait garder son sang-froid