Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/210

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son dire, elle montra aux femmes présentes des traces d’ongles sur son corps. C’étaient probablement des stigmates qu’elle s’était imprimés elle-même sur le corps.

Envoyée à Amsterdam, elle y retrouva son frère, mais en même temps elle y manifesta sou extravagance. Elle affirmait qu’elle était destinée pour femme au Messie, qui apparaîtrait prochainement. D’Amsterdam elle partit pour Livourne, où elle se fit connaître sous le nom de Sara. Tout en menant dans cette ville, d’après des témoignages dignes de foi, une vie déréglée, elle persista dans son affirmation qu’elle devait épouser le Messie. L’histoire singulière de cette jeune fille arriva jusqu’au Caire. Dès que Sabbataï Cevi en fut informé, il déclara qu’il savait par une vision qu’une jeune Polonaise deviendrait sa femme, et il envoya un messager à Livourne pour chercher Sara.

Par sa beauté, ses excentricités et ses manières libres, Sara produisit une impression très forte sur Sabbataï et ses partisans. Sabbataï savait bien que la conduite de cette aventurière n’avait pas toujours été irréprochable, mais cette particularité même lui faisait croire un peu plus à sa mission. Il se disait que, comme le prophète Osée, il était désigné par la Providence pour épouser une femme de mœurs impures. Chelebi surtout se montrait heureux que le Messie se maria dans sa maison avec cette femme prédestinée. Il mit toutes ses richesses à la disposition de Sabbataï et se déclara ouvertement son partisan. L’adhésion de Chelebi en entraîna beaucoup d’autres, et l’on put dire avec raison que Sabbataï était arrivé au Caire comme délégué et en partait comme Messie. La belle Sara aussi amena à son mari beaucoup de partisans, qui, probablement, se préoccupaient peu de l’arrivée du Messie. Enfin, à son retour en Palestine, à Gaza, Sabbataï conquit une recrue qui l’aida puissamment dans sa propagande.

Ce nouvel allié s’appelait Nathan-Benjamin Lévi (1644-1680) et était fils d’un de ces collecteurs d’aumônes de Jérusalem qui se promenaient, munis de lettres de recommandation, à travers l’Afrique du Nord, la Hollande et la Pologne. Peu instruit, il maniait pourtant assez habilement ce style rabbinique du temps qui dissimulait l’absence d’idées sous la solennité pompeuse de la forme. Par son mariage avec la fille borgne d’un homme riche,