Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/213

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qui l’outragea publiquement dans un sermon, et fut contraint de quitter Smyrne.

Du quartier juif de Smyrne la réputation du nouveau Messie se répandit bientôt à travers d’autres villes et d’autres pays. Son secrétaire intime, Samuel Primo, ainsi que Nathan de Gaza et les missionnaires Sabbataï Raphaël et Mathatias Bloch, unirent leurs efforts pour faire connaître au loin ce remarquable événement. Ils furent aidés dans leur œuvre de propagande par de nombreux chrétiens, résidents, agents des maisons de commerce anglaises et hollandaises, prêtres, qui informèrent naturellement leurs familles et leurs amis de ce qui se passait à Smyrne et, tout en se moquant de la crédulité des Juifs, se laissaient gagner eux-mêmes par la contagion. Dans tes principales Bourses de l’Europe on parlait de Sabbataï Cevi comme d’une apparition miraculeuse, et on attendait presque avec anxiété des nouvelles de Smyrne et de Constantinople.

Tout d’abord, les Juifs d’Europe furent comme étourdis de ces faits extraordinaires, puis peu à peu ils s’enthousiasmèrent également pour le nouveau 3lessie et se livrèrent aux plus extravagantes démonstrations. Non seulement la foule, mais aussi la plupart des rabbins et même des penseurs sérieux crurent à la mission de Sabbataï. Le plus triste, c’est que personne ne soupçonna que c’était la Cabale qui avait préparé le terrain à ces excentricités. Un homme de grand courage et d’une vaste érudition talmudique, Jacob Sasportas, qui était alors à Hambourg, combattit cette agitation, dès le début, avec une vaillante énergie, envoyant lettres sur lettres aux communautés d’Europe, d`Asie et d’Afrique pour démasquer ces fourberies et en montrer les conséquences désastreuses. Mais lui-même était adepte de la Cabale et, par conséquent, ne sut pas s’attaquer à la racine du mal. Henri Oldenbourg, savant allemand de Londres, écrivait à son ami Spinoza (décembre 1665) : Ici, le bruit court que les Israélites, disséminés depuis plus de deux mille ans, retourneront prochainement dans leur patrie. Peu de gens y croient, mais beaucoup le souhaitent… Si cet espoir se réalisait, ce serait toute une révolution. Spinoza lui-même admettait la possibilité, pour les Juifs, de restaurer leur royaume et de redevenir Ce peuple élu de