Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/215

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détruire le judaïsme rabbinique. Au reste, il régnait, en général, parmi les adhérents de Sabbataï, un profond dédain pour le Talmud et la méthode talmudique. Ils s’entendirent donc facilement pour abroger les lois rabbiniques. Leurs conceptions de la divinité leur étaient également toutes particulières. À force de limiter la puissance de Dieu et de glorifier le Messie, ils les avaient presque placés sur un pied d’égalité. Ils admettaient en quelque sorte un Dieu en trois personnes, l’ancien des jours, le saint roi, et un être féminin, la Schekhina. Pour eux, le saint roi, le Messie, était le vrai Dieu, le sauveur du monde, le Dieu d’Israël, qui seul devait être invoqué, l’ancien des jours ayant, en quelque sorte, abdiqué en faneur de Sabbataï. Ils appuyaient leur doctrine sur un verset du Cantique des Cantiques : Dieu ressemble à Cevi. Très souvent, Samuel Primo, qui promulguait les ordonnances au nom du Messie, signait : Moi, le Seigneur votre Dieu, Sabbataï Ceci.

Samuel Primo et ses acolytes commencèrent leurs attaques contre les prescriptions rituelles en transformant le jeûne du 10 Tébèt en jour de réjouissance, et ils annoncèrent ce changement, au nom de Sabbataï, dans les termes suivants : Le fils aîné de Dieu, Sabbataï Cevi, Messie et libérateur de la nation juive, à tout Israël, salut ! Puisque vous avez été jugés dignes de voir le grand jour et d’assister à la réalisation des promesses divines faites par les Prophètes, vous pouvez transformer vos gémissements en chants et votre jeûne en fête. Réjouissez-vous, faites entendre des hymnes et des cantiques, et remplacez vos mortifications et votre deuil par des démonstrations de joie.

Cette réforme éveilla les soupçons des rigoristes, qui voyaient surtout dans le Messie un rabbin particulièrement sévère pour l’observance des pratiques. De là, dans chaque communauté, un petit groupe d’opposants qui réclamaient le maintien absolu de ces pratiques. Pourtant, il n’y eut que peu de rabbins qui comprirent qu’en réalité la Cabale était et devait être ennemie du Talmud et de ses prescriptions. La plupart restèrent fidèles au Zohar, mais rendirent Sabbataï et ses lieutenants personnellement responsables de la lutte entamée contre les lois rituelles.

Tout à coup on apprit que Sabbataï Cevi avait reçu l’ordre d’aller