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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/219

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Mahomet IV. Le sultan examina avec ses ministres et le mufti Vanni les mesures qu’il pourrait prendre contre Sabbataï. Il aurait été facile de le faire exécuter sommairement, mais le faux Messie avait de nombreux partisans turcs, et il était à craindre que sa mort ne devint une cause de troubles. Vanni proposa alors d’essayer de le convertir à l’islamisme. On adopta cette proposition, et le médecin du sultan, un apostat juif du nom de Didon, fut chargé du soin de préparer Sabbataï à cette conversion.

Arrêté et conduit à Andrinople, Sabbataï fut mis immédiatement en rapports avec Didon. Il ne semble pas qu’il fallût de bien grands efforts pour décider Sabbataï à abandonner le judaïsme. Amené devant le sultan, il jeta par terre sa coiffure juive, en signe de mépris pour son ancienne religion, et mit un turban blanc et un vêtement vert, indiquant par là qu’il était devenu musulman. Mahomet IV, enchanté de ce dénouement, donna à Sabbataï le nom de Mehemet Effendi et lui confia les fonctions de surveillant du palais (capigi baschi otorah), avec un traitement élevé. La conversion de Sabbataï fut suivie de celle de sa femme, Sara, et de plusieurs de ses partisans. Quelques jours après sa conversion, il eut l’audace d’écrire à ses frères de Smyrne : Dieu a fait de moi un ismaélite (turc) ; il a ordonné et j’ai obéi. Le neuvième jour après ma seconde naissance.

Ce dénouement inattendu produisit chez les Juifs une profonde stupeur. Ainsi, le Messie, le glorieux Sauveur, en qui tous avaient placé leur confiance, avait lâchement abandonné le judaïsme ! Musulmans et chrétiens poursuivirent de leurs railleries les naïfs adeptes du faux Messie. Des maux plus sérieux faillirent en résulter pour les Juifs. Sous prétexte de tentative de trahison, le sultan voulut exterminer tous les Juifs de son royaume et convertir à l’islamisme les enfants âgés de moins de sept ans. Il ne renonça à sou projet que sur les instances de deux de ses conseillers et de sa mère, qui lui représentèrent que les inculpés n’étaient, en réalité, que de malheureuses dupes. Il résolut alors de faire mourir cinquante d’entre les principaux rabbins de Constantinople, de Smyrne et d’autres villes turques, parce qu’ils n’avaient pas éclairé leurs communautés sur les agissements de Sabbataï. Cette résolution ne fut heureusement pas mise à exécution.