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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/238

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les plaintes des Juifs, peut-être volontairement exagérées, mettait leur vie en danger.

Frédéric Ier prit alors une résolution qui fait honneur à son esprit de justice. Il invita (1702) les présidents de district à convoquer les rabbins ou, à leur défaut, les instituteurs et les notables des communautés pour leur demander, sous la foi du serment, si, dans la prière incriminée, les Juifs songeaient à Jésus en prononçant ou en évoquant dans leur pensée le mot Warik. Tous jurèrent qu’ils n’appliquaient pas ce mot au Christ. Un théologien chrétien, Jean-Henri Michaelis, de Halle, à qui on avait demandé un mémoire sur cette question, proclama également l’innocence des Juifs.

Cependant, à force d’être répétées, les calomnies contre les Juifs finirent par exercer leur action pernicieuse sur l’esprit du roi, qui continua de les soupçonner de blasphémer le christianisme. Il édicta alors une ordonnance (1703) dont le début est fort caractéristique. Il déclare d’abord qu’il souhaite ardemment qu’Israël, autrefois le peuple élu de Dieu, ouvre les yeux à la lumière et embrasse la foi chrétienne. Il ne se croit pourtant pas le droit de tyranniser les consciences et s’en remet au temps et à la sagesse divine pour amener la conversion des Juifs. Mais il exige, sous peine d’amende, qu’ils récitent à haute voix la prière d’Alènou, et qu’ils ne crachent pas, en signe de mépris, pendant cette prière. Parfois, des surveillants pénétraient dans les synagogues, comme du temps de Justinien, empereur de Byzance, pour s’assurer que les Juifs se conformaient à l’ordre du roi. Cette surveillance ne tarda pourtant pas à devenir presque une simple formalité, grâce aux démarches d’un Juif influent, Issachar Baermann, de Halberstadt, agent d’Auguste II, électeur de Saxe et roi de Pologne, et qui était très considéré à Berlin.

Après la mort d’Eisenmenger, ses héritiers s’adressèrent, à leur tour, à Frédéric Ier pour qu’il demandât à l’empereur Léopold II de laisser circuler librement le Judaïsme dévoilé. Le roi de Prusse se décida à intervenir (1705), mais sans résultat. Il autorisa alors la réimpression de cet ouvrage à Königsberg, où la censure impériale n’avait aucun pouvoir. Sur le moment même, ce pamphlet ne produisit pas l’effet attendu, mais plus tard, lorsqu’