Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/240

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avec la chute de Jérusalem et la domination de l’Église. Il avait alors éprouvé un profond sentiment de pitié pour les héroïques martyrs juifs, avec une certaine admiration pour la littérature hébraïque, et il entreprit d’écrire l’histoire du judaïsme depuis l’époque de Jésus jusqu’à son temps. Il essaya même de raconter les faits avec impartialité, autant, du moins, qu’on pouvait en attendre d’un protestant. Le chrétien, dit-il, ne doit point trouver étrange que nous déchargions très souvent les Juifs de divers crimes, dont ils ne sont point coupables, puisque la justice le demande ; et que ce n’est point prendre parti que d’accuser d’injustice et de violence ceux qui l’ont exercée… On les a accusés d’être la cause de tous les malheurs qui arrivaient et chargés d’une infinité de crimes auxquels ils n’ont jamais pensé, on a imaginé des miracles sans nombre, afin de les en convaincre, ou plutôt afin d’exercer plus hautement sa haine à l’ombre de la religion. Vous avons fait un recueil des lois que les conciles et les princes ont publiées contre eux, par lesquelles on pourra juger de l’iniquité des ans et de l’oppression des autres… Cependant, par un miracle de la Providence qui doit causer l’étonnement de tous les chrétiens, cette nation haïe, persécutée en tous lieux depuis un grand nombre de siècles, subsiste encore en tous lieux. — Le peuple et les rois, le païen, le chrétien et le mahométan, opposés en tant de choses, se sont réunis dans le dessein d’anéantir cette nation, et n’ont pu réussir. Le buisson de Moïse, environné de flammes, a toujours ballé sans se consumer… Ils vivent encore, malgré la honte et la haine qui les suivent en tous lieux, pendant que les plus grandes monarchies sont tellement tombées, qu’il ne nous en reste que le nom.

Obligé lui-même, par la révocation de l’édit de Nantes, de s’exiler de France en Hollande, Basnage sait comprendre jusqu’à un certain point les sentiments éprouvés par les Juifs durant leur long exil. Mais il n’est pas assez artiste pour peindre avec vigueur et netteté les scènes grandioses ou tragiques de l’histoire juive. Son intelligence manque aussi de l’ampleur nécessaire pour voir dans leur ensemble et leur enchaînement logique les faits si variés et si multiples de cette histoire. Il ne saisit pas non plus les nuances qui distinguent les diverses périodes et leur impriment