Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/256

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beaucoup sur le fond, et qui est imité d’auteurs italiens. Il manquait encore d’originalité.

La facilité de Luzzato à présenter ses idées ou celles d’autrui sous une forme claire et attrayante, jointe à son habileté à faire des pastiches, causa sa perte. Un jour, il se proposa d’imiter le style du Zohar, et y réussit. Ce succès le grisa. Il attribua ce talent d’imitation, non pas à une faculté particulière, mais à une faveur toute spéciale de la Providence, et il se persuada, comme autrefois les cabalistes Karo et Louria, qu’un génie tutélaire (maguid) l’inspirait et lui avait fait la grâce de lui divulguer les mystères de la Cabale.

Peu après, sa réputation de cabaliste dépassa les limites de la cille de Padoue, et il fut tout heureux d’être visité un jour par des cabalistes de Venise. Ce témoignage de déférence l’affermit encore dans son mysticisme. Moise Haguès, qui avait déjà combattu Hayon avec une courageuse énergie, et qui était alors à Altona, menaça Luzzato, avec l’appui de plusieurs rabbins allemands, de l’excommunication s’il ne renonçait pas à ses divagations et à son rôle d’inspiré. Mais Luzzato persista à affirmer que Dieu l’avait choisi, comme il en avait déjà choisi d’autres avant lui, pour lui dévoiler ses secrets. Pourtant, sur les instances de son maître, Isaïe Bassan, et de trois rabbins de Venise, délégués auprès de lui, il promit de ne plus enseigner ni propager par des livres les doctrines de la Cabale (juillet 1730).

Luzzato ne tint pas longtemps sa promesse. Attristé par la ruine de son pire, qui avait perdu toute sa fortune, et par les dissensions qui régnaient alors dans sa famille, il se plongea de nouveau dans ses rêveries mystiques pour y trouver le calme et la résignation. On racontait aussi qu’il préparait une réplique aux attaques dirigées contre la Cabale par Léon Modena, rabbin à Venise. Le collige rabbinique de cette ville, qui avait traité jusque-là Luzzato avec une grande modération, se montra plus sévère pour lui ; il l’excommunia et condamna ses écrits au feu (1734). La communauté de Padoue aussi cessa de défendre Luzzato. Le malheureux poète, qui s’était si pitoyablement fourvoyé dans le mysticisme, dut abandonner ses vieux parents, sa femme et ses enfants, et partir de Padoue. Pauvre et découragé,