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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/272

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un bill qui accordait la naturalisation aux Juifs établis depuis trois ans en Angleterre ou en Irlande ; ils restaient seulement exclus des fonctions publiques et ecclésiastiques et ne pouvaient pas participer à l’élection des membres du Parlement. La Chambre des communes adopta également ce bill, qui fut érigé en loi par George II (mars 1753). Aussitôt, dans les églises, dans les tavernes et parmi les corporations, éclatèrent de violentes protestations contre cette loi. Un ecclésiastique, le doyen Tucker, qui avait défendu le bill de naturalisation, fut grossièrement injurié dans des journaux et des pamphlets, et son portrait ainsi que son mémoire en faveur des Juifs furent brûlés à Bristol. Au vif chagrin des esprits libéraux, le ministère eut la faiblesse de céder aux clameurs des fanatiques et des commerçants jaloux et de renier son œuvre. Il abrogea la loi (1754), parce qu’elle avait été mal accueillie et qu’elle avait troublé la conscience de nombreux sujets du roi. Toutefois, on continua, comme auparavant, à se montrer assez tolérant à l’égard des Juifs.

En France aussi, on s’occupait alors d’eux. Voltaire, qui, au XVIIIe siècle, tenait le sceptre de l’esprit et réussit, par ses sarcasmes et son rire sardonique, à battre en brèche les institutions barbares du moyen âge, cet écrivain illustre qui combattait si vaillamment pour les idées de justice et de tolérance, détestait les Juifs et déversa les railleries sur leurs croyances et leur histoire. Il se laissa entraîner à ces attaques par ses rancunes contre l’Église et aussi par ses rancunes privées. Pendant son séjour à Londres, il avait perdu de l’argent à la suite de la banqueroute du financier juif de Medina. L’irritation qu’il en ressentit lui fit englober tous les Juifs dans la même haine.

Un autre incident fournit à cette haine un nouvel aliment. Du temps qu’il résidait à Berlin et à Potsdam, il chargea un joaillier juif, Hirsch ou Hirachel, d’une affaire équivoque (1750), puis, sur les conseils d’un concurrent envieux, Éphraïm Veitel il rompit le marché. De là de violentes discussions entre Hirsch et Voltaire. Celui-ci, pour se venger, commit à l’égard de son adversaire toute une série d’actes malhonnêtes, le trompa dans une affaire de diamants, le maltraita, usa envers lui de mensonge et de faux et, à la fin, se plaignit d’être dupé ! Il en résulta un procès très