Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/279

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Lessing provoqua une véritable révolution dans la littérature et les idées en Allemagne. Son action sur ses concitoyens fut peut-être plus profonde et plus durable que celle de Voltaire en France. Lessing, qui était fils d’un pasteur protestant, était de tempérament démocratique. Il avait pitié des humbles, de ceux pour qui la société professait un injuste dédain ; il ne craignait même pas d’entretenir des relations avec les Juifs. Il consacra, du reste, à ces derniers sa première œuvre dramatique. Dans ses Juifs, il osait montrer qu’un Juif est également capable de désintéressement et de générosité, et il s’attira par là le blâme de ses compatriotes chrétiens.

On raconte que Lessing fut mis en rapport avec Mendelssohn par un joueur d’échecs passionné, Isaac Hess, dont l’un et l’autre étaient parfois les partenaires (1754). Il conçut une vive admiration pour la dignité de caractère, la profonde honnêteté, l’amour de la vérité et les connaissances philosophiques de son ami juif, qui apparaissait à ses yeux comme un second Spinoza. Mendelssohn, de son côté, ne trouvait pas moins de charme dans la société de Lessing, qui lui plaisait par son aménité, sa franchise et son courage ; il apprit de lui à aimer l’art, la poésie, le beau sous toutes ses formes. Grâce à l’amitié de Lessing, Mendelssohn étendit le cercle de ses relations et se corrigea peu à peu des manières gauches qu’il avait contractées au ghetto. Il s’appliqua surtout à acquérir un style clair et attrayant, tâche malaisée pour lui qui savait à peine l’allemand et était habitué à l’informe jargon que parlaient ses coreligionnaires. Les modèles aussi faisaient défaut même parmi les écrivains allemands, car, avant Lessing, le style allemand était lourd, raboteux et déplaisant. Mais l’énergie et l’ardeur de Mendelssohn triomphèrent de toutes les difficultés.

Mendelssohn n’était pas encore lié depuis un an avec Lessing quand il écrivit (au commencement de 1755) des Dialogues philosophiques qui se distinguaient déjà par un style agréable, et où il blâmait les Allemands, lui Juif, de méconnaître leur caractère propre pour imiter servilement les Français. Il montra ces Dialogues à Lessing, qui, les trouvant bien composés, les fit imprimer à l’insu de l’auteur. Du reste, Lessing ne négligea rien pour faire connaître son ami dans les milieux instruits,