Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/283

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Zurich, essaya de le convertir au christianisme, mais sans succès. À la fois mystique et rusé, Lavater prétendait deviner le caractère et la valeur intellectuelle d’un homme au simple examen des traits de son visage. Lorsque Mendelssohn eut publié le Phédon, où il parle et pense comme un vrai Grec sans que rien trahisse son origine juive, Lavater en conclut que le philosophe de Berlin était complètement détaché du judaïsme. Il se sentait encore confirmé dans son opinion par une controverse religieuse où Mendelssohn s’était exprimé avec calme et modération sur le fondateur du christianisme et lui avait mène reconnu de grandes vertus. Il ne désespérait donc pas de voir un jour Mendelssohn définitivement touché de la grâce, et il ne négligea rien pour amener rapidement ce résultat. Un professeur de Genève, Bonnet, venait de publier en français une apologie de la religion chrétienne, les Recherches philosophiques sur les preuves dit christianisme. Lavater la traduisit en allemand et l’envoya à Mendelssohn avec une dédicace prétentieuse qui avait toute l’apparence d’un piège (septembre 1769). Il le mettait en demeure de réfuter publiquement les arguments exposés par Bonnet en faveur du christianisme, ou, dans le cas où il les trouverait probants, de faire ce que lui commandaient la prudence, l’honnêteté et l’amour de la vérité, ce qu’aurait fait Socrate s’il avait lu ce livre sans pouvoir y répondre.

Cette provocation eut un résultat très heureux, car elle fit sortir Mendelssohn de la réserve dans laquelle il s’était enfermé jusque-là et qui ressemblait presque à de l’indifférence pour le judaïsme. Sur l’invitation de Lavater, il descendit dans l’arène et défendit chaleureusement sa religion (décembre 1765). En termes modérés, il dit à Lavater et aux autres chrétiens des vérités très dures qui, en d’autres temps, l’auraient fait monter sur le bûcher. Il ajouta que, dès sa jeunesse, il s’était appliqué à l’examen du judaïsme, qu’il avait repris ensuite cette étude quand il eut acquis des connaissances plus étendues, et qu’il avait pu ainsi se convaincre de la haute valeur de sa religion. J’avoue, continuait-il, que, dans le cours des siècles, il s’est greffé sur le judaïsme certains abus qui ternissent en partie son éclat ; c’est là un fait qui s’est produit également pour d’autres religions.