Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/284

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Mais en ce qui concerne les principes essentiels de ma religion, j’y crois de toutes les forces de mon être, et j’affirme devant Dieu que j’y resterai fermement attaché tant que mon âme n’aura pas changé totalement de nature. Après avoir affirmé qu’il avait peu de goût pour les controverses religieuses, parce qu’il était d’avis de répondre par des vertus, et non pas par des polémiques, au dédain qu’on professait pour les Juifs, il terminait par cette déclaration : Moi, qu’on nomme le Socrate allemand et à qui on reconnaît une âme pénétrée des vérités divines, je reste attaché à la religion méprisée des Juifs et je considère le christianisme comme une erreur.

La réponse de Mendelssohn à Lavater reçut l’approbation de tous les esprits éclairés. Le prince héritier de Brunswick, déjà prévenu en faveur du philosophe juif, le loua d’avoir su traiter une question aussi délicate avec tant de tact et un si grand amour des hommes. Bonnet lui-même donna son approbation à Mendelssohn et blâma le zèle intempestif de Lavater. Celui-ci dut s’excuser, à la fin, auprès de Mendelssohn de lui avoir demandé d’abjurer.

Pendant longtemps on s’entretint, dans les milieux instruits, de la controverse de Mendelssohn et de Lavater, qui fut également racontée, discutée, jugée dans de nombreux opuscules allemands et français. Un méchant écrivain, Jean-Balthazar Kölbele, de Francfort-sur-le-Mein, profita de cette circonstance pour déverser les plus grossiers outrages sur Mendelssohn, les rabbins, les Juifs et le judaïsme. La violence même de ses attaques en détruisit d’avance tout l’effet. Il se montra particulièrement perfide dans sa Lettre à monsieur Mendelssohn sur ses rapports avec Lavater et Kölbele (mars 1770), où il osait insinuer que l’intérêt seul retenait Mendelssohn dans le judaïsme. Mendelssohn lui répliqua brièvement, dans une note qu’il ajouta à une lettre adressée à Lavater. Ce libelle venimeux eut, au moins pour résultat d’arrêter les attaques contre les idées exposées par Mendelssohn, car aucun écrivain sérieux ne voulut se compromettre en la société de Kölbele.

Après avoir si vaillamment défendu le judaïsme contre les chrétiens, Mendelssohn eut à subir les reproches de ses propres coreligionnaires.