Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/289

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Bible accompagnée de commentaires, n’apprécieraient sa version allemande que s’il la présentait sous la forme habituelle, il y fit joindre un commentaire hébreu par un Polonais instruit, Salomon Dubno.

Avant de publier l’ouvrage entier, Mendelssohn en fit paraître une petite partie, à titre de spécimen. Aussitôt les rabbins orthodoxes protestèrent vivement contre son entreprise, et ils s’appliquèrent à la faire échouer. À Fürth, la traduction allemande de Moïse Dessau fut frappée d’anathème et on menaça d’excommunication ceux qui s’en serviraient. On raconte même que dans quelques villes polonaises, à Posen, à Lissa, cet ouvrage fut livré aux flammes. Mais les clameurs des orthodoxes polonais ne pouvaient nuire que médiocrement à Mendelssohn. Il y avait plus à se préoccuper de l’hostilité de Raphaël Kohen, rabbin de Hambourg et Altona, qui était estimé et respecté. Ce rabbi a prononça également l’excommunication contre la traduction de Mendelssohn. Mais, comme le roi et le prince héritier de Danemark, sur la demande du conseiller d’État Hennigs, s’étaient fait inscrire comme souscripteurs à cette œuvre, Raphaël Kohen ne pouvait pas la combattre ouvertement dans les communautés qu’il dirigeait.

D’ailleurs, malgré les protestations de leurs maîtres, les élèves des écoles talmudiques lisaient avidement la traduction de Mendelssohn. Ils apprenaient ainsi la langue allemande et, en même temps, s’habituaient à étudier la Bible dans son texte mime, et non plus à travers les commentaires. Leur esprit s’élargit, leurs idées s’élevèrent au-dessus de l’étroit domaine talmudique, un ardent désir de savoir embrasa leur âme. En étudiant le Talmud, ils avaient acquis une vive pénétration, une grande facilité de conception et une dialectique serrée. Ces qualités, ils les appliquèrent ensuite aux autres sciences, qui étaient nouvelles pour eux. Des milliers de jeunes gens, disséminés dans les écoles de Hambourg, de Prague, de Nikolsbourg, de Francfort-sur-le-Mein et même de Pologne, se pénétrèrent des écrits et des exemples de Mendelssohn. Tous les savants juifs de la fin du XVIIIe siècle et du commencement du XIXe n’avaient étudié dans leur jeunesse que le Talmud, et ce fut sous l’influence du philosophe juif de Berlin qu’ils se mirent à cultiver les diverses branches du savoir humain