Aller au contenu

Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/291

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

opérations. Un jour, il leur fit adresser des lettres en hébreu, les menaçant de les dénoncer pour usure et tromperie s’ils ne lui remettaient pas une somme déterminée. Nommé bailli par quelques nobles d’Alsace, il eut les Juifs entièrement à sa merci. Ceux qui ne se soumettaient pas à ses exigences, il les citait en justice et les condamnait. Lorsqu’on commença à soupçonner ses exactions, il s’en irrita et, dans sa colère, chercha à nuire encore plus aux Juifs. Il enseigna aux débiteurs à fabriquer de fausses quittances, qu’ils opposaient ensuite aux réclamations des préteurs juifs. Il se rencontra bien, parmi les débiteurs, d’honnêtes gens qui hésitèrent à user d’un tel moyen ; mais des ecclésiastiques calmaient leurs scrupules en leur affirmant que frauder les Juifs était une œuvre pie. Afin de couronner son œuvre de haine, Hell publia (1779) des Observations d’un Alsacien sur les affaires des Juifs en Alsace, où il excitait la population à exterminer les Juifs. Dans ce libelle, il reconnaissait bien qu’on avait falsifié des quittances, mais il ajoutait que c’était la Providence qui avait envoyé cette inspiration aux débiteurs pour punir le : Juifs de lu mort de Jésus. Heureusement, toutes les autorités ne partageaient pas l’avis de Hell. Ce singulier bailli fut incarcéré, sur l’ordre de Louis XVI, puis éloigné d’Alsace. Par un décret royal (mai 1780), les procès d’usure furent enlevés à la juridiction des nobles pour être portés directement devant le Conseil souverain d’Alsace.

Cette intervention bienveillante de Louis XVI encouragea les Juifs d’Alsace à appeler l’attention du souverain sur les abus et les iniquités dont ils étaient sans cesse victimes et à solliciter sa protection. Leurs représentants composèrent un Mémoire pour le Conseil d’État, où ils énuméraient les lois oppressives dont ils souffraient et où ils indiquaient les mesures qui amélioreraient leur situation. Mais ils sentaient que ce Mémoire devait être rédigé de façon à impressionner également l’opinion publique qui, à cette époque si rapprochée de la Révolution, était déjà très puissante. Ils le soumirent donc avant tout à Mendelssohn, dont la réputation était très grande parmi ses coreligionnaires d’Europe. Mais, comme il n’avait ni le loisir ni peut-être le talent spécial nécessaire pour donner à ce document une forme émouvante