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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/303

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le cœur et mettre l’âme en communication avec le ciel. De là, de nombreuses recrues pour les Hassidim, qui faisaient la part si large à l’extase et au sentiment religieux.

De plus en plus les Hassidim s’éloignèrent des orthodoxes. Déjà sous la direction de Beer ils se sentirent assez forts pour adopter une réforme qui irrita profondément les rabbins. Au lieu de continuer à réciter seulement les prières prescrites, et à des heures déterminées, comme l’exige le code religieux, ils priaient toutes les fois qu’ils s’y sentaient disposés, sans tenir compte de l’heure, et ne craignaient pas de supprimer arbitrairement une partie des prières obligatoires. Beer Mizriez recommanda à ses partisans le Rituel de prières du cabaliste Isaac Louria, d’où les pioutim avaient été totalement éliminés.

Peut-être les rabbins polonais eussent-ils pu réduire assez rite les Hassidim à l’impuissance, s’ils avaient encore joui de la même autorité que quelques années auparavant. Mais, en 1784, le roi Stanislas-Auguste Poniatowski avait décrété la dissolution du synode des quatre pays, qui était investi du droit de prononcer l’excommunication contre les Juifs de Pologne et même de leur infliger des amendes. Il n’existait donc plus, en Pologne, de pouvoir central juif qui pût prendre des résolutions applicables à tout le pais, et chaque communauté était libre de se comporter à l’égard des Hassidim comme il lui convenait. Il en résulta un manque d’entente que les Hassidim surent mettre à profit pour répandre plus facilement leurs doctrines et pénétrer jusque dans de vieilles et importantes communautés. Leur nombre augmenta rapidement, et ils formèrent bientôt deux groupes importants, les Mizricziens et les Karliniens. Dès que dix Hassidim se trouvaient ensemble dans une localité, ils louaient une chambre pour y célébrer leurs offices et entreprenaient une propagande active. Ils agissaient avec prudence et discrétion jusqu’à ce qu’ils fussent assez forts pour soutenir la lutte contre leurs adversaires. Ils réussirent ainsi à faire des recrues dans l’importante communauté de Vilna. Mais là ils attirèrent sur eux un orage qui eût peut-être amené leur ruine sans leur ténacité et leur remarquable habileté.

À Vilna vivait alors un savant talmudiste, Élia Vilna (1720-1797),