Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/302

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en apparence, que sous son prédécesseur. En réalité, elle avait subi un changement important. Israël avait été sincère. Quand il s’agitait pendant la prière, quand tout son corps était secoué comme par des convulsions et qu’il avait des visions, il était réellement en extase. Beer manquait d’enthousiasme naturel, il n’était pas possédé du démon intérieur. Il prit alors l’habitude de puiser l’inspiration divine dans de fréquentes libations, dans de copieuses rasades d’eau-de-vie. De plus, pour faire croire qu’il savait pénétrer tous les mystères, il entretint une sorte de police secrète, très habile, qui le renseignait sur bien des choses intimes. C’est par de tels procédés qu’il parvint à en imposer à ses nombreux partisans.

Beer réussit aussi à inspirer à la foule une vénération superstitieuse pour le chef de la secte appelé Çaddik. Il plaça le çaddik sur un piédestal si élevé qu’il le rendait presque semblable à Dieu. Il le représentait comme un être parfait, protégé contre toute souillure et tout péché, dont les actes et les pensées exercent sur l’univers entier une influence toute puissante. Dans sa petite chambre sale et obscure, Beer se considérait l’égal du pape, vicaire, comme lui, de Dieu sur la terre.

L’expansion de la secte des Hassidim était due à deux raisons principales : l’union étroite et fraternelle dans laquelle ils vivaient tous ensemble et l’aridité de l’enseignement talmudique en Pologne. Dès le début, les Hassidim formèrent une sorte de confrérie, qui, il est vrai, ne possédait pas une caisse commune, comme autrefois les Esséniens, mais dont les membres fortunés se croyaient tenus de venir en aide à ceux qui étaient dans le dénuement. En plus, pendant les Pètes du nouvel An et de l’Expiation, tous abandonnaient femme et enfants pour se rendre auprès du çaddik et passer ces saintes journées dans la contemplation de leur chef. D’un autre côté, le mysticisme des Hassidim répondait trop à certaines aspirations de la nature humaine pour ne pas séduire même des esprits sérieux. Le judaïsme rabbinique, tel qu’il était alors pratiqué en Pologne, ne donnait aucune satisfaction au véritable sentiment religieux. On attachait surtout de l’importance à l’interprétation plus ou moins subtile du Talmud, mors on se préoccupait très peu de tout ce qui pouvait émouvoir