Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/311

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était un médecin distingué, fort savant, qui avait un esprit mordant et savait entretenir la conversation. Mais le grand charme de sa maison était sa femme. Henriette Herz (1764-1847), dont la radieuse beauté et le brillant esprit exerçaient une action puissante et lui valaient un nombre considérable de courtisans.

Fille d’un Juif portugais, Benjamin de Lemos, qui avait épousé une Allemande, Henriette réunissait dans sa personne l’ardeur méridionale et la dignité castillane avec la souplesse et la douceur des Allemandes. Elle faisait sensation partout où elle se montrait par la finesse de ses traits autant que par sa démarche gracieuse ; on l’appela la Muse tragique. Son intelligence aussi était remarquable et faisait encore valoir son éblouissante beauté.

Le salon de Henriette Herz devint un centre de réunion pour l’élite de la société de Berlin. Tous les personnages de marque de l’Allemagne et de l’étranger qui venaient dans la capitale prussienne s’empressaient de s’y rendre. On y rencontra d’abord les amis chrétiens de Mendelssohn, Nicolaï, Engel, le précepteur du prince héritier (Frédéric-Guillaume II), et Ramler, le directeur de conscience des poètes. À ceux-ci se joignirent bientôt d’autres hommes distingués, les conseillers consistoriaux Teller et Zœliner, Knuth, le précepteur des frères Alexandre et Guillaume de Humboldt, Gentz, Schleiermacher, Frédéric de Schlegel. Mirabeau aussi, pendant sa mission diplomatique secrète à Berlin (1786), fréquenta la maison Herz. Peu à peu, des femmes chrétiennes qui occupaient à Berlin les plus hautes situations par leur naissance ou leur esprit entrèrent également en relations avec Henriette Herz et ses amis, dont elles admiraient le savoir solide et la spirituelle gaieté.

Ce rapprochement entre Chrétiens et Juifs faisait espérer à ces derniers qu’ils réussiraient à obtenir l’abolition des mesures humiliantes auxquelles les autorités pouvaient encore les soumettre et, sinon leur émancipation complète, du moins l’amélioration de leur situation légale. Leur espoir grandit encore après l’avènement de Frédéric-Guillaume II, qui était un prince doux et bienveillant. Sur le conseil de David Friedlænder, les anciens de la communauté de Berlin adressèrent une supplique au souverain