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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/315

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Mais les membres de cette Société manquaient d’ardeur et de conviction. Ils avaient bien délaissé les pratiques du judaïsme, mais n’avaient remplacé leur ancienne foi par aucune autre croyance ; ils ne possédaient plus aucun idéal religieux. Cette absence de principes et d’idéal se manifestait encore plus ouvertement chez les riches marchands éclairés, qui aimaient le luxe et étaient heureux de pouvoir fréquenter des chrétiens. Comme rien ne les retenait plus dans la religion de leurs aïeux, ils embrassèrent en masse le christianisme. Semblables à de légers papillons, ils voltigèrent autour de la flamme et, à la fin, s’y laissèrent brûler. Pourquoi, en effet, auraient-ils continué à se soumettre aux restrictions du privilège général et à supporter les humiliations imposées aux Juifs protégés, eux qui avaient totalement rompu avec les usages, les mœurs et les croyances du judaïsme, quand, par le baptême, ils pouvaient devenir les égaux des chrétiens Y aussi les apostasies furent-elles nombreuses à Berlin, à Breslau et à Königsberg. En trente ans, la moitié de la communauté de Berlin accepta le baptême. Il est probable que tous les éclairés de l’Allemagne eussent déserté le judaïsme, s’ils n’avaient été arrêtés par leur antipathie profonde pour les croyances chrétiennes, par leur attachement inébranlable à leur famille et aux souvenirs du passé merveilleux du peuple juif, et enfin par leur amour pour la langue et la littérature hébraïques. Quiconque pouvait apprécier la grandeur sublime et les beautés de la Bible dans le texte original et savait manier lui-même la langue hébraïque, restait fidèle au judaïsme, malgré ses doutes, malgré les restrictions légales dont il souffrait en sa qualité de Juif.

Pourtant, David Friedlænder fit exception. Ni la gloire du passé, ni la poésie hébraïque, ni le sentiment de la famille n’eurent le pouvoir de le retenir dans le judaïsme. Esprit étroit et superficiel, il n’avait ni élévation de pensée, ni dignité de caractère. Sans originalité aucune, il avait emprunté quelques lambeaux d’idées à Mendelssohn qu’il avait cousus ensemble pour en faire ce qu’il appelait un système religieux épuré. Comme il n’observait plus rien du judaïsme, il croyait qu’il pourrait facilement se soustraire aux lois humiliantes qui pesaient sur les Juifs. Il demanda donc pour lui et toute la famille Friedlænder la naturalisation