Aller au contenu

Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/316

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avec les droits et les obligations qui en découlaient. Sa demande fut rejetée. Au lieu d’opposer à ce refus une fière impassibilité et de chercher à s’en consoler par le souvenir du passé héroïque d’Israël, il écrivit, avec d’autres pères de famille (probablement des membres de la famille Itzig), à Teller, conseiller supérieur du Consistoire, pour lui annoncer leur intention de se faire baptiser. Ils y mettaient pourtant une condition : on devait les dispenser de croire à la divinité de Jésus et d’observer les pratiques du christianisme, parce qu’ils ne partageaient pas la foi de l’Église et qu’il leur répugnait d’agir en hypocrites.

Teller éconduisit poliment, mais avec fermeté, ces singuliers Juifs qui voulaient se faire chrétiens tout en déclarant qu’ils ne pourraient pas croire aux dogmes du christianisme. Friedlænder resta donc forcément juif. Mais sa lettre à Teller produisit une vive sensation. Plusieurs chrétiens l’apprécièrent avec sévérité ; ils y voyaient une trahison à l’égard du judaïsme et une inconséquence. Duns l’ignorance où il était de l’origine de cette lettre, Schleiermacher disait : Que cette démarche inconsidérée doit donc blesser l’excellent Friedlænder ! Je serais étonné qu’il ne protestât pas contre une telle trahison, lui qui est un si fervent admirateur de Mendelssohn. Quelle condamnation pour Friedlænder que ce jugement de croyants chrétiens exprimant leur dédain pour ces apostats qui, de leur plein gré, auraient voulu renier le glorieux passé de la plus ancienne nation pour prendre simplement le masque du christianisme ! Les Juifs gardèrent prudemment le silence sur cette affaire.

Les femmes juives montraient encore moins de fierté et de dignité que les hommes. Le salon de Henriette Herz était devenu le rendez-vous de belles femmes juives, dont les maris étaient absorbés par leurs occupations, et de jeunes gens chrétiens. Dans ce milieu, le ton était donné par Frédéric de Gentz, homme égoïste, avide de jouissances, plein de vices et dénué de scrupules. Grisée par les adulations dont elle était l’objet, Henriette Herz se laissait aller à des coquetteries qui rendaient sa conduite très suspecte. La légèreté des mœurs était presque un article de foi pour cette société. Les libertins chrétiens avaient, en effet, organisé avec les femmes et les jeunes filles juives une ligue