Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/334

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établis pour la plupart à Berlin, accablèrent de leurs outrages les doctrines du judaïsme et le passé du peuple juif, injuriant même les Patriarches et les Prophètes. Grattenauer surtout se distingua dans cette campagne d’invectives grossières et d’odieuses excitations.

Deux catégories de Juifs, à Berlin, se sentirent tout particulièrement blessés des attaques de Grattenauer, parce qu’ils n’avaient reculé devant aucune lâcheté pour faire oublier leur origine et qu’ils croyaient y avoir réussi. Ce furent la Société des amis ou, comme les appelait Grattenauer, les jeunes élégants juifs, et ceux qui fréquentaient le salon de Henriette Herz. Il leur paraissait dur, à eux qui avaient rompu tout lien avec le judaïsme, d’être raillés et tournés en ridicule comme Juifs.

À ces sarcasmes et à ces injures, les chefs du judaïsme berlinois ne surent opposer que le silence. David Friedlænder se tut ; Ben-David, décidé d’abord à riposter, s’en abstint. Dans leur désarroi, ils eurent recours tout simplement à la protection de la police. Sur leurs instances, il fut interdit de publier quelque écrit que ce fût pour ou contre les Juifs. Cette démarche inconsidérée fut regardée comme un aveu d’impuissance et une lâcheté, elle provoqua une recrudescence d’attaques et de railleries. Il parut bientôt contre eux un nouveau livre : Peut-on laisser aux Juifs leur constitution actuelle sans danger pour l’État ? Ce pamphlet, écrit sur un ton plus modéré que les ouvrages de Grattenauer, était par cela même plus dangereux. Il proposait des mesures qui dépassaient en iniquité et en violence les décrets d’Innocent III et de Paul IV : Il n’est pas seulement nécessaire, y lisait-on, d’enfermer de nouveau les Juifs dans des ghettos, de les placer sous la surveillance constante de la police et de les obliger à attacher à une manche de leur vêtement un morceau d’étoffe de couleur voyante, mais il faut également s’opposer, par des moyens radicaux, à leur accroissement. Ces dignes disciples de Schleiermacher et de Fichte ne voulaient plus rien savoir des idées de justice, de tolérance et de fraternité professées par Dohm et Lessing.

Ces diatribes véhémentes, publiées à Berlin, à Francfort, à Breslau et dans d’autres villes encore, surexcitèrent le fanatisme et la