Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/338

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Fontanes. De Bonald surtout voyait dans la liberté des Juifs une injure au catholicisme, et il exhortait ses concitoyens à imiter les Allemands, qui avaient bien consenti à abolir le péage corporel, mais avaient laissé en vigueur toutes les autres lois d’exception.

Ému par toutes ces clameurs, Napoléon décida de soumettre la législation concernant les Juifs à l’examen du Conseil d’État. Un jeune auditeur, le comte Molé, qu’on disait issu de Juifs, fut chargé de présenter un rapport sur cette question. À la grande surprise des conseillers d’État, Molé épousa les rancunes du parti catholique et réactionnaire et conclut à la nécessité d’enlever à tous les Juifs de France les droits civils que la Révolution leur avait accordés et de prendre contre eux des mesures restrictives. Ce rapport fuit accueilli avec froideur par la majorité du Conseil, qui ne pouvait admettre qu’on touchât à la liberté des citoyens. Pourtant, sur le désir de Napoléon, qui y attachait une grande importance, cette question fut discutée dans une séance plénière du Conseil d’État (avril 1806).

La cause des Juifs fut plaidée au Conseil, devant l’empereur, par un homme très libéral, M. Beugnot. Il se montra malheureusement, dans cette discussion, emphatique et déclamateur ; ce qui impatienta Napoléon. Une phrase surtout irrita l’empereur. Beugnot déclara qu’enlever aux Juifs leurs droits équivaudrait à une bataille perdue sur le terrain de la justice. Napoléon s’emporta, parla des Juifs comme aurait pu le faire Fichte ou Grattenauer, dénonçant leur avarice, leur improductivité, soutenant qu’ils formaient un État dans l’État et niant qu’ils pussent être placés sur le même rang que les catholiques et les protestants.

Courageusement, Regnault de Saint-Jean d’Angély et le comte de Ségur appuyèrent l’opinion de Beugnot. Ils firent remarquer qu’à Bordeaux, à Marseille, ainsi qu’en Hollande et dans les villes italiennes annexées à la France, les Juifs étaient très considérés et qu’il serait inique de les rendre tous responsables des fautes reprochées aux Juifs d’Alsace. Ces réflexions si sages calmèrent Napoléon. On avait aussi appelé l’attention de l’empereur sur les importants progrès réalisés en si peu de temps par les Juifs dans