Aller au contenu

Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/345

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

gouvernement de nouvelles lumières. Afin que ce Sanhédrin, convoqué pour convertir les réponses des notables en décisions religieuses, jouît du même prestige que l’ancien conseil de ce nom, on décida de l’organiser complètement sur le modèle des sanhédrins d’autrefois. Selon l’ancien usage, le grand Sanhédrin sera composé de soixante-dix membres, sans compter son chef, il devait avoir un président ou nassi, avec un premier assesseur ou ab-bèt-din et un deuxième assesseur ou hakham, et être formé pour deux tiers de rabbins et un tiers de laïques.

Cette communication fut accueillie avec le plus grand enthousiasme. Aux yeux des notables, la réunion du grand Sanhédrin représentait en quelque sorte la résurrection de l’ancienne splendeur d’Israël. Aussi s’empressèrent-ils d’adresser une proclamation aux communautés juives de toute l’Europe pour leur faire partager leur profonde satisfaction et les engager à envoyer des délégués auprès du Sanhédrin. Cette proclamation, écrite en hébreu, en français, en allemand et en italien, disait en substance qu’un événement considérable se préparait, que dans la capitale d’un des plus puissants empires chrétiens, sous la protection d’un illustre monarque, allait se réunir un Sanhédrin, et qu’une ère de paix et de bonheur s’ouvrirait sûrement pour les débris d’Israël.

En fait, la convocation d’une sorte de Parlement juif à Paris produisit dans toute l’Europe une profonde sensation. On était bien habitué aux exploits militaires et aux brillantes victoires de Napoléon, mais son idée de créer un Sanhédrin avait quelque chose d’inattendu et d’original qui étonnait. Presque chez tous les Juifs, ce projet éveillait les plus belles espérances. À Berlin pourtant, le cercle de David Friedlænder, le groupe des éclairés, éprouvait un réel dépit de voir la France tenter, par l’organe du Sanhédrin, de faire pénétrer l’esprit moderne dans le judaïsme tout en lui conservant sa forme antique. Aussi affectaient-ils d’en parler avec ironie et dédain. Il s’y mêlait, en plus, une question de patriotisme. Les Juifs de Prusse ressentaient, comme les autres habitants, la douleur des défaites infligées par Napoléon à leur pays ; il leur était donc difficile de voir en lui un bienfaiteur de leurs coreligionnaires. Ce n’était