Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/359

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somme considérable en échange de ces droits, et aussi parce qu’ils s’en niaient rendus dignes par leur patriotisme. Les démarches des délégués furent appuyées secrètement par la maison de banque Rothschild, qui était alors déjà fort puissante, et par la baronne juive Fanny d’Arnstein, qui était en relations avec la plupart des membres du Congrès. Parmi les membres qui représentaient l’Allemagne, deux des plus influents, Hardenberg et Metternich, étaient favorables à la demande des Juifs. Ils écrivirent (1815) aux villes hanséatiques pour blâmer leurs procédés à l’égard des Juifs et ils conseillèrent au Sénat de les traiter avec humanité et justice.

Le projet de Constitution pour l’Allemagne, élaboré par le plénipotentiaire prussien, Guillaume de Humboldt, approuvé par Metternich et soumis aux délibérations du Congrès, proclamait l’égalité des Juifs. Un article de ce projet disait, en effet : Les trois confessions chrétiennes jouissent des mêmes droits dans tous les États allemands, et les croyants de la confession juive, s’ils remplissent leurs devoirs de citoyen, auront les droits civils correspondant à leurs devoirs.

Mais les dispositions bienveillantes de Metternich et de Humboldt ne suffirent pas pour faire adopter cet article. C’est que les Juifs eurent à compter, à ce moment, avec un ennemi peut-être plus dangereux que l’orgueil de caste et l’envie. Les victoires remportées sur les Français avaient développé, chez les Allemands, un sentiment patriotique qui avait dégénéré en un chauvinisme exalté. Tout ce qui n’était pas empreint d’un caractère essentiellement allemand paraissait odieux. De plus, l’école romantique de cette époque, les Schlegel, les Arnim, les Brentano, avaient présenté le moyen âge sous des couleurs si séduisantes que l’Allemagne considérait le retour pur et simple à l’esprit de ce temps comme son devoir le plus sacré. C’était là l’idéal qu’elle poursuivait avec un zèle passionné. Elle était ainsi amenée, entre autres, vers un christianisme rigoureux, vers une foi sévère. Mais le moyen âge ne connaissait que l’Église catholique, avec son chef suprême, le pape. Les romantiques ne reculèrent pas devant cette conséquence de leurs théories, et l’on vit Gœrres, Frédéric Schlegel, Adam Muller et d’autres se convertir