Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/382

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les plus disparates, une communauté supérieurement organisée.

À cette époque, les Juifs n’avaient pas le droit de s’établir à Vienne ; ils y étaient seulement tolérés. On trouvait alors dans cette ville quelques familles riches, qui y étaient tolérées sous les prétextes les plus étranges. Venues de pays divers, sans lien entre elles, elles n’étaient pas groupées en communauté, n’ayant le droit ni de posséder une synagogue, ni de nommer un rabbin. Malgré les mesures restrictives auxquelles ils étaient soumis, quelques audacieux conçurent le projet d’organiser des offices religieux sur le modèle de ceux du temple réformé de Hambourg. Tantôt le gouvernement les y encouragea, tantôt il les en détourna. En même temps qu’ils essayaient d’obtenir l’autorisation de construire un temple, ils appelaient Mannheimer à Vienne comme prédicateur de ce temple (juin 1825).

Arrivé à Vienne pour y exercer ses fonctions, Mannheimer, dont tous les efforts tendaient à ne pas froisser les orthodoxes par de vaines fanfaronnades et à ne pas provoquer de scission dans le judaïsme, n’apporta à la célébration des offices que des améliorations sages et prudentes, qui furent favorablement accueillies. Il donna plus de dignité au culte synagogal, s’efforça d’attirer les fidèles au temple par sa prédication, mais conserva les prières hébraïques et n’adopta ni l’orgue, ni les chants allemands. Mieux encore que Bernays, il sut concilier la tradition avec le progrès.

Comme si le temple de Vienne, inauguré en avril 1826, était prédestiné à réaliser cette conciliation entre le passé et l’avenir, il eut la bonne fortune de posséder, à côté de son prédicateur, un ministre officiant qui, lui aussi, réussit à moderniser en quelque sorte les mélodies sacrées tout en leur conservant leur cachet spécial. C’était un remarquable artiste, possédant une voix merveilleuse et récitant les prières liturgiques d’une façon particulièrement émouvante.

Subjugués par la parole chaleureuse de Mannheimer et les chants expressifs des chœurs, les Juifs de Vienne s’habituèrent peu à peu, dans la synagogue, à une tenue plus convenable, plus digne du lieu saint. Le recueillement qui régnait dans ce temple impressionnait fortement les étrangers qui venaient assister aux