Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/412

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dignement leurs devoirs de solidarité. Un des assistants, Barnard van Owen, parla dans cette réunion avec une généreuse éloquence. En ce moment, disait-il, la persécution ne sévit que dans une seule ville de l’Asie. Mais qui peut affirmer qu’elle ne s’étendra pas plus loin, si nous ne nous décidons pas à démasquer les perfides agissements de nos ennemis et à prouver que ces terribles accusations ne sont pas vraies, ne peuvent pas être vraies, parce que non seulement elles sont contraires à la réalité, mais aussi aux principes fondamentaux de notre religion ? Van Owen ajoutait que bien des Juifs avaient jugé qu’il était indigne d’eux de s’abaisser à réfuter des mensonges aussi odieux, et que lui-même avait également partagé leur avis. Mais en voyant qu’en France même, du moins dans certains milieux, on avait ajouté foi à ces accusations, il avait pensé qu’il était nécessaire de réfuter cette calomnie, quelque ridicule qu’elle parût. À la fin, l’assemblée confirma te choix qui avait été fait de Montefiore comme délégué des Juifs anglais.

Avant de s’embarquer pour l’Orient, sir Moses Montefiore fut reçu en audience par la reine Victoria, qui le félicita de la mission si noble qu’il avait acceptée et mit à sa disposition un vaisseau de l’État pour le conduire hors des eaux du canal. Salomon Herschel, grand rabbin de Londres, lui écrivit pour appeler la bénédiction divine sur sa généreuse entreprise et proclamer encore une fois publiquement qu’aucun rite religieux voulant du sang humain n’a jamais existé ; ni n’existe parmi les Israélites. Après avoir rappelé qu’avant lui, son père et plusieurs de ses deux avaient déjà rempli les fonctions de rabbin dans les plus grandes communautés et que, par conséquent, personne n’était peut-être mieux au courant que lui des lois, coutumes et usages des Juifs, il ajoutait : Je suis très avancé en âge ; sur la terre je n’ai rien à espérer, mais je dois m’attendre à paraître bientôt devant le juge suprême de l’univers, le Dieu d’Israël, qui, sur le mont SinaÏ, a proclamé ces doctrines : Tu ne tueras point ; tu ne profèreras pas en vain le nom du Seigneur. Je connais toute ma responsabilité et je l’assume sans équivoque ni restriction mentale ; je m’associe au serment terrible prêté, il y a deux cents ans, par le savant et pieux rabbin Manassé ben Israël…