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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/430

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Mais Disraeli ne cachait pas qu’il était fier de descendre de Juifs, et, dans deux romans[1], il en explique les motifs. En effet, un des personnages de ces romans, Sidoine, originaire d’une famille de Marranes, se considère l’égal, par sa naissance, des membres de la plus haute noblesse, parce qu’aucune famille ne peut se vanter d’être aussi ancienne que la nation dont il descend, et il déclare que la race juive a conservé sa valeur et son importance, parce qu’elle a conservé sa pureté et n’a jamais voulu s’allier à d’autres races. Sidoine fait aussi ressortir que les Juifs ont survécu aux plus puissants empires de l’antiquité et résisté, jusqu’aux temps actuels, à toutes les souffrances et à toutes les persécutions, et il en conclut qu’ils sont appelés à continuer de jouer leur rôle dans l’humanité. Dans le deuxième roman, Disraeli fait dire à une jeune fille juive que ceux qui croient qu’il y a eu une Révélation divine sont d’accord pour admettre que les Israélites seuls ont été jugés dignes de cette Révélation, que si des messagers célestes sont descendus sur la terre pour consoler et instruire, ils ne sont apparus qu’en Palestine, et que si un Sauveur est venu pour l’humanité avec des apôtres chargés de propager la bonne nouvelle, on est unanime à admettre qu’ils furent d’origine juive. Or, il est impossible qu’après avoir joué un rôle si considérable dans le passé, Israël ne continue pas à exercer son influence salutaire sur la marche des événements futurs.

Lorsque Disraeli, par l’organe des personnages de ses romans, célébrait ainsi les mérites des Juifs et prévoyait pour eux un avenir plein de promesses, ceux-ci étaient encore entravés dans leur activité, dans bien des pays, par toute sorte de mesures restrictives. Brusquement, un événement survint qui apporta de nouvelles améliorations à leur situation. La Révolution qui éclata à Paris en février 1848 eut son contrecoup à Vienne, à Berlin et dans d’autres villes. Un souffle de liberté passa sur tous les pays d’Europe et fit disparaître bien des institutions surannées. Dans les réunions populaires, dans les Parlements, on réclamait, entre autres réformes, la complète émancipation des Juifs. On voulait que pour eux aussi la devise liberté, égalité, fraternité devint enfin

  1. Ces deux romans sont intitulés : Coningsby or the new generation (1844), et Tancred or the new crusade (1847).