Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/46

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pas la lire dans le texte original, princes et Universités créèrent des chaires d’hébreu, non seulement en Allemagne et en Italie, mais aussi en France et en Pologne. On délaissa de plus en plus la Muse classique, légère et souriante, qui avait détourné les esprits de l’Église, pour l’enseignement plus austère de la littérature hébraïque. Jeunes gens et hommes faits se groupèrent autour de savants juifs pour apprendre l’hébreu. Au grand scandale des fanatiques des deux religions, il en résulta des relations plus cordiales entre les maîtres juifs et les élèves chrétiens, et ainsi plus d’un préjugé s’évanouit.

Parmi les maîtres juifs qui répandirent la connaissance de la langue hébraïque parmi les chrétiens, le plus célèbre fut un grammairien d’origine allemande, Élia Lévita (né vers 1468 et mort en 1549). À la suite du sac de Padoue, il s’était rendu par Venise à Rome, où le cardinal Egidio de Viterbe l’accueillit chez lui, pour qu’il lui enseignât la grammaire hébraïque et la Cabale, et subvint à son entretien et à celui de sa famille pendant plus de dix ans. Entre autres chrétiens de distinction, Lévita eut comme élève Georges de Selves, évêque de Lavaur, qui était ambassadeur de France à Rome. Les rabbins d’esprit étroit lui reprochaient ses rapports fréquents avec les chrétiens, mais il leur déclarait qu’en réalité la cause du judaïsme en profitait, puisque ses élèves devenaient amis des Juifs. Un autre motif d’aversion des orthodoxes pour Lévita, c’est qu’il soutenait que les signes des voyelles hébraïques, loin d’avoir été révélés sur le Sinaï, n’étaient même pas encore connus à l’époque talmudique. Son opinion souleva dans certains milieux un véritable orage, absolument comme s’il avait nié la Révélation. Ses descendants mêmes éprouvèrent plus tard les effets de cette hostilité.

D’autres savants juifs enseignèrent l’hébreu aux chrétiens. On a déjà vu qu’Obadia Sforno avait été le maître de Reuchlin. Il faut aussi mentionner Jacob Mantino et Abraham de Balmes, contemporains de Lévita. En général, il régnait à ce moment, dans la chrétienté, un vif enthousiasme pour les études hébraïques. Dans plusieurs villes d’Italie et d’Allemagne, même là où ne demeurait aucun Juif, on imprimait des grammaires hébraïques, anciennes ou récentes. Tous voulaient savoir l’hébreu et comprendre les