Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/47

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livres saints dans leur texte original. Luther aussi étudia la langue hébraïque, pour mieux se pénétrer de l’esprit de la Bible.

Chose extraordinaire, cet amour de l’hébreu se manifesta jusque dans l’Université de Paris. On sait que la Sorbonne avait condamné au feu le Miroir de Reuchlin, qui parlait en faveur du Talmud et des études hébraïques. Six ans plus tard, elle possédait une chaire d’hébreu et une imprimerie hébraïque, et c’était Guillaume Haquinet Petit, le principal instigateur de la condamnation du Miroir, qui encourageait l’enseignement de la littérature juive. Sur son conseil, le roi François Ier appela en France augustin Justiniani, évêque de Corse, qui était familiarisé avec l’hébreu. Il invita également Elia Lévita, probablement sur la proposition de Georges de Selves, à venir occuper la chaire d’hébreu à Paris. C’était là un progrès immense. Qu’on songe que depuis un siècle, aucun Juif ne pouvait se fixer ni mène séjourner dans la France proprement dite, et voici qu’on propose à un Juif de venir occuper une situation élevée et instruire des chrétiens. Pourtant Elia Lévita déclina cette offre. Il appréhendait de se trouver seul comme Juif en France, et, d’un autre coté, il ne se sentait pas de taille à essayer de provoquer le rappel de ses coreligionnaires. Ce fut donc Justiniani qui accepta la mission d’enseigner l’hébreu en France. Il inaugura son enseignement à l’Université de Reims. Pour pouvoir mettre une grammaire hébraïque entre les mains des étudiants, il fit imprimer l’ouvrage sans valeur de Moïse Kimhi. Il imprima également à Paris (1520), lui dominicain, une traduction latine du Guide des égarés de Maïmonide, ce traité de philosophie religieuse qui, sur la demande de rabbins fanatiques, appuyées par les dominicains, avait été brûlé dans cette ville trois siècles auparavant. Les maîtres chrétiens avaient naturellement besoin de recourir aux lumières de savants juifs pour leur enseignement de l’hébreu. Quand Paul Fagius, prêtre réformateur et disciple de Reuchlin, voulut fonder une imprimerie hébraïque à Isny, il demanda le concours de Lévita. Celui-ci le lui accorda, parce qu’il avait besoin d’un éditeur pour ses lexiques chaldéen et talmudique.

La Réforme appela aussi de nouveau l’attention sur la Bible, qui était négligée depuis fort longtemps. Cet admirable monument