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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/60

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armes et des canons à l’armée juive de l’Arabie et de la Nubie.

L’arrivée de David Reübeni en Portugal modifia totalement les intentions de João à l’égard des Marranes. Le souverain portugais jugea, en effet, qu’il ne serait pas prudent de persécuter des gens d’origine juive au moment où il voulait conclure une alliance avec un roi et un peuple juifs. Du reste, il sentait que, pour une entreprise aussi sérieuse que celle que lui proposait David Reübeni, il aurait besoin de l’appui, des capitaux et des conseils des Marranes. Il renonça donc à son projet d’introduire l’Inquisition en Portugal. Les Marranes se réjouirent fort quand ils apprirent qu’un Juif était admis à la cour royale et entretenait des relations avec les plus hauts personnages de l’État. Leur courage, abattu par une longue suite de souffrances, se relevait, et l’avenir se présentait à leurs yeux sous les plus radieuses couleurs. L’heure de la délivrance leur paraissait proche. Que David Reübeni se fût présenté ou non comme précurseur du Messie, eux, du moins, le considéraient comme un sauveur et témoignaient pour lui la plus profonde vénération.

Du Portugal l’heureuse nouvelle se répandit en Espagne, où les Marranes, encore plus misérables que dans le pays voisin, se livrèrent à de véritables transports de joie. Ils allaient donc pouvoir respirer librement, sans la crainte perpétuelle des tortures et du bûcher, et jeter enfin à bas le masque dont on les obligeait à s’affubler. Ces malheureux viraient dans une telle anxiété que la moindre lueur d’espoir leur apparaissait comme l’aurore de leur délivrance, et qu’ils ajoutaient foi aux prédictions les plus insensées. Peu de temps auparavant, aux environs de Herrera, une femme marrane s’était présentée comme prophétesse, déclarant qu’elle avait vu sûrement Moise et les anges et qu’elle était chargée de conduire ses compagnons d’infortune dans la Terre Sainte. Beaucoup de Marranes crurent à ses extravagances. Quand les autorités en eurent connaissance, elles firent brûler un grand nombre de Marranes à Tolède, et plus de quatre-vingt-dix à Cordoue.

Il n’est donc pas surprenant que des gens qui vivaient dans un tel état d’esprit accueillissent avec une joie profonde ce qu’on leur racontait de David Reübeni. Ils se rendirent en grand nombre en