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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/75

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que le pape lui-même. En outre, toujours pour lutter contre la Réforme, le concile de Trente devait fixer les principes du catholicisme, et, dans ce concile, le pape ne pouvait atteindre son but qu’avec l’appui des exaltés. Or, ceux-ci étaient tous originaires de l’Espagne et du Portugal. Il ne lui était donc pas permis, dans ces conditions, de se brouiller avec la cour de Portugal.

Le délégué envoyé par le Portugal au concile de Trente, l’évêque Balthazar Limpo, était un fanatique. Dés son arrivée à Rome, il demanda instamment à Paul III de laisser enfin l’Inquisition librement fonctionner en Portugal contre les Marranes. Ils partent secrètement du Portugal, dit-il, sous un nom chrétien, avec leurs enfants, qu’ils ont fait baptiser eux-mêmes. Une fois en Italie, ils se disent Juifs, vivent selon les rites juifs et font circoncire leurs enfants. Cela se passe sous les yeux du pape et de la curie à Rome et à Bologne… Au lieu de s’opposer à l’introduction de l’Inquisition en Portugal, Sa Sainteté aurait dû l’appeler depuis longtemps à son aide dans ses propres États. Comme le pape venait de publier lui-même une bulle où il invitait tous les catholiques à courir sus aux protestants, il ne lui était pas facile de plaider devant Limpo la cause des Marranes accusés d’hérésie. Il accéda donc à sa demande, en exigeant pourtant qu’on les laissât émigrer librement, pourvu qu’ils ne se rendissent pas dans les pays des mécréants, eu Afrique ou en Turquie.

Une autre raison avait encore décidé le pape à se concilier les bonnes grâces du Portugal. Charles-Quint voulait profiter de sa victoire sur les protestants (avril 1547) pour dicter sa volonté au pape et imposer à l’Église un cérémonial qui pût agréer également à la Réforme. Ç’aurait été une humiliation pour la papauté d’accepter ainsi l’intervention impériale dans le domaine religieux. Mais, pour résister efficacement à l’empereur, Paul III avait besoin de l’appui de quelques États, notamment du Portugal. Il envoya donc dans ce dernier pays un commissaire spécial, muni de bulles et de brefs qui autorisaient l’Inquisition à agir contre les Marranes, mais en recommandant de procéder avec indulgence. Ainsi, toutes les accusations portées contre les Marranes dans le passé devaient être considérées comme nulles ; on ne pouvait les poursuivre que pour des hérésies commises à