Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/82

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Palestine, Karo quitta Andrinople. Il se rendit à Safed en même temps qu’un autre cabaliste, Salomon Alkabéç, dont l’hymne en l’honneur de la fiancée Schabbat, le Lekha Dôdi, est bien plus connu que le nom. Karo eut la satisfaction de voir se réaliser à Safed une partie de ses rênes : Berab lui donna l’ordination et le consacra ainsi membre de Sanhédrin futur. Après la mort de Berab, il voyait s’ouvrir devant lui les plus brillantes perspectives. Il espérait continuer l’œuvre de Berab, être reconnu par les rabbins de la Palestine et du dehors comme chef de tous les Juifs palestiniens et même turcs, former de remarquables élèves qui seuls inspireraient confiance et respect. Il serait alors vénéré comme l’image sainte, diokna kaddischa, et accomplirait des miracles. Il s’attendait bien à subir le martyre comme Molcho, mais il était convaincu qu’il ressusciterait et assisterait à la délivrance messianique.

Pour mériter cette dignité de prince suprême d’Israël, Karo comptait sur l’ouvrage qu’il composait et qui devait rétablir l’unité dans le judaïsme. Une fois son commentaire sur le code religieux d’Ascheri achevé, publié et répandu parmi les Juifs, il jouirait certainement, à ce qu’il croyait, de la vénération de tous ses coreligionnaires.

C’est ainsi que, sous l’action combinée d’une sincère piété, de rêveries mystiques et de l’ambition, Karo travaillait avec un zèle ardent à son ouvrage, qui devait faire disparaître dans le domaine religieux toutes les contradictions, toutes les incertitudes, toutes les obscurités, et servir de règle pour le judaïsme tout entier. Mais, là aussi, Karo échoua dons son entreprise. Son code, intitulé Schoulhan Aroukh, fut combattu sur bien des points par un jeune rabbin de Cracovie, Moïse Isserlès.

Pendant qu’en Orient les Juifs vivaient dans une certaine sécurité, étaient libres de pratiquer leur religion et songeaient même à fonder une sorte d’État autonome, les Juifs d’Occident étaient en butte à d’incessantes persécutions. Dans les premiers temps de sa lutte contre la Réforme, l’Église fut trop absorbée pour s’occuper d’eux. Mais les vieilles accusations de blasphème, de profanation d’hostie, da meurtre rituel, ne tardèrent pas à se reproduire contre eux. Ils ressentirent, du reste, le contrecoup de l’implacable rigueur