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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/81

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l’ordination. Joseph Karo ne renonça pourtant pas tout de suite à l’espoir de la faire de nouveau adopter.

Karo (1488-1575) avait été expulsé d’Espagne, quand il était encore enfant, avec ses parents. Après de longues pérégrinations et de nombreuses souffrances. Il arriva à Nicopolis, dans la Turquie d’Europe. Là, il se consacra à l’étude d’une partie du Talmud habituellement négligée, À s’occupa de la Mishna, qu’il sut bientôt par cœur. De Nicopolis il partit ensuite pour Andrinople, où sa science talmudique lui valut la considération de ses coreligionnaires et où il forma des élèves. À l’âge de trente ans, il entreprit la tâche gigantesque de commenter le code religieux de Jacob Ascheri, de le rectifier, développer et appuyer partout de preuves. Il consacra à cette œuvre vingt ans de sa vie (1522-1542) et employa douze autres années à la réviser (1542-1554). L’apparition de Molcho vint apporter une diversion à cette occupation quelque peu aride. Il fut tellement séduit par cet aventurier qu’il se laissa initier par lui aux mystères de la Cabale et partagea ses rêveries messianiques. Pendant le séjour de Molcho en Palestine, Karo resta en correspondance avec lui et forma le projet d’aller le rejoindre en Terre Sainte. Lui aussi, comme Molcho, aspirait à mourir en martyr, pour s’offrir comme holocauste agréable à l’Éternel, et avait des visions où il croyait s’entretenir avec un titre supérieur. Cet être (Magguid) n’était ai un ange, ni une apparition fantastique, mais la Mishna elle-même, qui lui faisait la grâce de lui révéler, la nuit, des choses secrètes, parc( qu’il s’était voué à son culte. Pendant quarante ans, jusqu’à la fin de sa vie, Joseph Karo fut hanté de ces visions, qu’il fit connaître en partie par écrit, et qui montrent les ravages que la Cabale avait opérés dans cet esprit. La Mishna lui imposait les plus dures mortifications. Se laissait-il aller un peu trop longtemps au sommeil, était-il arrivé en retard pour la prière, avait-il négligé l’étude du Talmud, la Mishna venait lui en faire des reproches et exiger une expiation. Les prédictions qu’il annonçait au nom de la Mishna n’étaient certes pas des inventions mensongères de sa part, mais des visions de son imagination surexcitée qu’il croyait sincèrement lui avoir été inspirées.

Convaincu qu’il était appelé à jouer un rôle messianique en