Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/88

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qu’on leur imputait. Eck publia donc (1541) un pamphlet où il prétendait prouver que ces scélérats de Juifs avaient fait beaucoup de mal en Allemagne et dans d’autres pays, et où il reprend à son compte tous les mensonges, toutes les calomnies, toutes les infamies répandues depuis des siècles contre les Juifs. Selon lui, l’Ancien Testament montre déjà le caractère sanguinaire des Juifs, et il affirme qu’ils profanent des hosties et se servent du sang d’enfants chrétiens pour consacrer leurs prêtres, faciliter les couches de leurs femmes, guérir des maladies.

Ce qui paraît plus étrange et plus triste, c’est que Luther lui-même, le fondateur d’une nouvelle religion, l’adversaire des vieux préjugés, partageait à l’égard des Juifs les sentiments de son ennemi personnel, Jean Eck, qui avait pourtant répandu contre lui aussi les plus odieux mensonges. Les Juifs, dit-il, se plaignent de subir chez nous une dure servitude, lorsque nous, au contraire, nous pourrions nous plaindre d’avoir été martyrisés et persécutés par eux pendant près de trois cents ans. Oubliant que, dans certaines régions de l’Allemagne, les Juifs avaient précédé les Germains, il s’écrie : Nous ne savons pas encore aujourd’hui quel diable les a poussés dans notre pays. Vous ne les avons pas cherchés à Jérusalem, et personne ne les retient ici. Comme Pfefferkorn et Eck, Luther rappelle avec une joie cruelle que les Juifs ont été violemment expulsés de France et, récemment, d’Espagne par notre bien-aimé empereur Charles, ainsi que de toute la Bohême, et, de mon temps, de Ratisbonne, de Magdeburg et de tant d’autres localités.

Sans pitié pour les effroyables souffrances supportées avec tant de vaillance par les Juifs en l’honneur de leur foi, et avec une assurance qui dénotait une singulière ignorance de l’histoire, Luther répétait après Pfefferkorn que, d’après le Talmud et les rabbins, il est permis aux Juifs de tuer les goyim, c’est-à-dire les chrétiens, de se montrer parjures à leur égard, de les voler et les piller. Il conseillait de brûler les synagogues a de ce peuple maudit et damné, pour la plus grande gloire de Notre-Seigneur et de la chrétienté, de leur enlever leurs livres de prières et les exemplaires du Talmud, d’incendier leurs maisons et de les parquer dans des étables. Il désirait aussi qu’il fût interdit aux