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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/87

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duc Othon-Henri de Neubourg, qui les défendit énergiquement contre l’évêque d’Eichstaett.

L’exemple du prélat catholique fut suivi par un prédicateur luthérien, Butzer, à la fois ami de Capito et de Luther, qui excita également les esprits contre les Juifs. Probablement sur l’invitation du duc de Neubourg, un prêtre luthérien prit courageusement la défense des Juifs dans un ouvrage intitulé Judenbücklein, Opuscule sur les Juifs. L’auteur — peut-être Hosiander — montre pour la première fois, dans ce livre, combien il est odieux et ridicule d’accuser les Juifs de tuer des enfants chrétiens. D’après cet écrivain, qui semble avoir eu des relations fréquentes avec les Juifs et connaissait leur langue, leurs mœurs et leurs lois, ce sont les richesses des Juifs et la piété exagérée et mal comprise des fanatiques chrétiens qui ont fait inventer cette calomnie. Tantôt cette accusation est répandue, dans un but facile à deviner, par des princes rapaces et sans scrupules, ou par des nobles appauvris, ou par des bourgeois qui sont débiteurs des Juifs, tantôt elle est propagée par des moines ou des prêtres séculiers, désireux d’augmenter le nombre des saints ou de créer de nouveaux lieux de pèlerinage. Les Juifs, dit cet auteur, sont disséminés depuis de nombreux siècles parmi les chrétiens, et pourtant il y a trois cents ans à peine qu’on a commencé à imputer aux Juifs des crimes de ce genre. C’est que le clergé s’est mis à répandre cette fable odieuse à partir du moment où il a cru nécessaire de réchauffer la foi de la foule par des pèlerinages et des guérisons miraculeuses. On est donc en droit d’admettre que le meurtre de Neubourg a été également inventé de toutes pièces par les moines. Du reste, ajoute l’auteur, les chrétiens aussi avaient été accusés par les païens, jusqu’au IIIe siècle, de tuer des enfants pour leur tirer le sang. Les prétendus aveux de quelques Juifs ne prouvent rien dans cette occurrence, car ces aveux ont été arrachés par la torture.

Pour effacer l’impression que cet ouvrage était appelé à produire en faveur des Juifs, l’évêque d’Eichstaett chargea son protégé, Jean Eck, qui laissa un si déplorable souvenir dans l’histoire de la Réforme, de réfuter ce plaidoyer et de démontrer que les Juifs s’étaient réellement rendus coupables des meurtres d’enfants