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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/90

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sottement compatissants pour les Juifs et demande l’expulsion de ces derniers. Si j’avais quelque autorité sur eux, dit-il, je convoquerais leurs chefs et leurs savants et je leur prouverais, par la menace de leur arracher la langue, que le christianisme enseigne non pas le dogme de l’unité de Dieu, mais celui de la Trinité. Il n’hésita même pas à exciter contre eux les pillards de grand chemin. Ayant appris qu’un Juif riche traversait l’Allemagne avec douze chevaux, il conseilla à ces brigands de se montrer moins tolérants que les princes et de s’emparer des voyageurs juifs et de leurs richesses. Peu de temps encore avant sa mort, il renouvela, dans un sermon, ses attaques contre les Juifs, accusant leurs médecins d’empoisonner leurs malades chrétiens et demandant qu’on les chassât tous, puisqu’ils ne voulaient pas se convertir.

L’hostilité de Luther à l’égard des Juifs leur fut peut-être plus funeste que celle des dominicains, de Hochstraten, d’Eck et de leurs acolytes. Car les accusations de ces ennemis déclarés des Juifs n’étaient pas toujours prises au sérieux, et, en tout cas, n’inspiraient confiance qu’à un petit nombre, tandis que les moindres paroles de Luther étaient considérées par ses partisans comme des oracles. De même que saint Jérôme avait inoculé au monde catholique sa haine du Juif, de même Luther infecta pour longtemps les protestants du poison de son pamphlet. Le protestantisme déploya même contre les Juifs plus de cruauté encore que l’Église. Les chefs du catholicisme leur intimaient l’ordre de se soumettre au droit canon, mais les autorisaient à résider dans les pays catholiques ; Luther demandait leur expulsion complète. Les papes recommandaient souvent d’épargner les synagogues, tandis que le fondateur de la Réforme conseillait de les profaner et de les détruire. Pour lui, les Juifs ne devaient pas être mieux traités que les tziganes. C’est que les papes, munis d’un pouvoir considérable et résidant dans la grande ville de Rome, jugeaient les hommes et les événements de haut et songeaient rarement à infliger des vexations mesquines aux Juifs, qui, parfois, leur semblaient de trop mince importance pour mériter leur attention. Luther, au contraire, qui vivait dans une petite ville, prêtait une oreille attentive à toutes les sottises qu’on répétait contre eux, les jugeait