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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/95

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Pietro Caraffa, plus tard pape sous le nom de Paul IV, et l’Espagnol Iñez Loyola, fondateur de l’ordre des Jésuites. Pour rendre au pape sa puissance et à l’Église son autorité, ils résolurent d’user partout contre les catholiques du moyen dont Torquemada, Deza, Ximénès de Cisneros s’étaient servis en Espagne contre les Maures et les Juifs, c’est-à-dire du bûcher. Quiconque s’écarterait des prescriptions papales serait brûlé.

En premier lieu, on s’en prit à l’imprimerie. D’après Caraffa et Loyola, c’était elle qui avait rendu possible le schisme dans l’Église ; sans les Lettres des hommes obscurs, les pamphlets de Hutten et ceux de Luther, la Réforme aurait peut-être échoué. Il fallait donc commencer par surveiller les publications et ne laisser imprimer que ce qui aurait été approuvé par le pape ou ses délégués. La censure des livres, il est vrai, existait déjà, mais elle n’avait pas été pratiquée jusqu’alors avec une bien grande rigueur. Désormais, elle sera exercée avec plus de sévérité, car on choisit comme censeurs des hommes inflexibles et fanatiques.

Les Juifs ne tardèrent pas à ressentir le contrecoup de ce mouvement de réaction. Tout d’abord, leurs adversaires soulevèrent de nouveau la question du Talmud. Quarante ans auparavant, les tentatives des dominicains pour faire brûler cet ouvrage avaient échoué devant la tolérance et la mansuétude du pape. Hais la situation avait changé. On était alors dans une autre disposition d’esprit à Rome, et il était facile de prévoir que si des accusations étaient dirigées contre le Talmud, ce livre serait sûrement condamné. Ces accusations se produisirent, et, comme toujours, elles eurent pour auteurs des Juifs convertis.

Elia Lévita, le célèbre grammairien juif, avait laissé deux petits-fils, Eliano et Salomon Romano, qui, dès leur enfance, fréquentèrent des milieux chrétiens. Eliano savait l’hébreu à fond et fut correcteur et scribe dans plusieurs villes d’Italie ; Romano, qui voyagea à travers l’Allemagne, la Turquie, la Palestine et l’Égypte, connaissait plusieurs langues, l’hébreu, le latin, l’espagnol, l’arabe et le turc. Eliano, l’aîné, se convertit au christianisme sous le nom de Vittorio Eliano, entra dans les ordres et devint chanoine. Quand Romano apprit l’apostasie de son frère, il accourut à Venise pour le faire revenir au judaïsme. Mais il se laissa lui-même