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séduire par son frère et accepta le baptême (1551) sous le nom de Jean-Baptiste. La mère des deux renégats, qui était alors encore en vie, en éprouva un violent chagrin. Romano se fit jésuite et publia des ouvrages ecclésiastiques.

Ces descendants d’Elia Lévita, appuyés par deux autres apostats, Ananel di Foligo et Joseph Moro, renouvelèrent contre le Talmud les anciennes accusations de Nicolas Donin et consorts, affirmant qu’il contient des blasphèmes contre Jésus, l’Église et toute la chrétienté, et qu’il était le seul obstacle à la conversion générale des Juifs. Le pape d’alors, Jules III, n’était pas hostile aux Juifs, mais ce n’était pas lui qui avait à se prononcer dans cette question. L’affaire devait être portée devant l’Inquisition, c’est-à-dire devant Caraffa. Celui-ci se prononça naturellement contre le Talmud, et Jules III ne put que ratifier son jugement (12 août 1553). Les émissaires de l’Inquisition pénétrèrent alors dans toutes les maisons juives de Rome, confisquèrent tous les exemplaires du Talmud et, par un raffinement de méchanceté, les brûlèrent pendant la fête du Nouvel An juif (9 septembre). De Rome les perquisitions s’étendirent dans toute la Romagne, à Ferrare, à Mantoue, à Venise et jusque dans l’île de Candie, qui appartenait à la république de Venise. Des milliers d’exemplaires du Talmud furent livrés aux flammes. Bientôt on ne s’en tint plus à la seule confiscation du Talmud ; tous les livres hébreux furent saisis indistinctement. À la suite des plaintes des Juifs, le pape promulgua une bulle (29 mai 1554) pour défendre aux délégués de l’Inquisition de s’emparer d’autres ouvrages hébreux que le Talmud.

Ce fut à partir de cette époque qu’on obligea les éditeurs à soumettre à la censure tout. livre hébreu, avant sa publication, pour examiner s’il ne contenait rien contre le christianisme. Les censeurs étaient, pour la plupart, des Juifs convertis, qui usaient de leur pouvoir pour infliger des vexations à leurs anciens coreligionnaires.

Après la mort de Jules III, la situation des Juifs devint encore plus précaire. Au lieu de pontifes aux idées larges, amis des arts et des lettres, hostiles aux persécutions, le collège des cardinaux ne choisissait plus que des. papes sévères, implacables, dociles