Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/99

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à cet acte d’hypocrisie, mais vingt-quatre, et parmi eux une vieille femme, s’y refusèrent ; ils furent brûlés (1556).

Le martyre de ces infortunés, que Jacob di Fano, de Ferrare, pleura dans des vers d’une poignante éloquence, causa dans tout le judaïsme une immense douleur. Le coup parut surtout cruel aux Marranes portugais établis dans la Turquie, qui songèrent à s’en venger.

Un tel projet n’était pas outrecuidant, car les Juifs étaient alors très considérés en Turquie et y jouissaient d’une sérieuse influence. À cette époque, vivait dans ce pays une femme juive, Dona Gracia Mendesia, qui se distinguait par les plus nobles vertus et était universellement respectée et admirée. Disposant d’une immense fortune, elle en avait toujours usé dans l’intérêt de ses coreligionnaires et, en général, de tous les indigents. Mais, que de souffrances elle eut à endurer avant de pouvoir porter librement le nom juif de Hanna ou Gracia ! Née en Portugal vers 1510 (morte vers 1568) dans la famille marrane des Benveniste, elle était habituellement désignée sous le nom chrétien de Béatrice et épousa un Marrane très riche, de la famille des Fassi, qui s’appelait de son nom de baptême Francisco Mendès. Celui-ci avait créé une puissante maison de banque, ayant des succursales en Flandre et en France, et comptant parmi ses débiteurs l’empereur Charles-Quint, le roi de France et d’autres princes encore. La succursale d’Anvers avait à sa tête Diogo Mendès, frère de Francisco. Après la mort de Francisco (qui eut lieu avant 1535), Béatrice, sa veuve, et l’enfant qu’il avait laissé, une jeune fille du nom de Reyna, partirent du Portugal, où ni leurs personnes ni leurs biens n’étaient plus en sécurité depuis l’établissement de l’Inquisition, et se réfugièrent auprès de leur beau-frère et oncle, à Anvers. Béatrice emmena avec elle, à Anvers, une jeune sœur et plusieurs neveux. Un de ces neveux, João Miquès, beau et très intelligent, fréquenta bientôt les plus hauts personnages d’Anvers et gagna les bonnes grâces de Marie, femme du gouverneur des Pays-Bas, ancienne reine de Hongrie et sœur de Charles-Quint.

Béatrice Mendesia avait espéré pouvoir pratiquer le judaïsme à Anvers. Quand elle en eut reconnu l’impossibilité, elle se décida