Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/98

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des Marranes d’Ancône, qui étaient alors au nombre de plusieurs centaines. Mais Paul IV ne tint nul compte des promesses faites par ses prédécesseurs. Un beau jour, il les fit tous arrêter secrètement et jeter en prison ; leurs biens furent confisqués (août 1555). Même les Marranes qui étaient sujets turcs et ne séjournaient que temporairement à Ancône, pour leurs affaires, furent également accusés de judaïser et incarcérés, et leurs marchandises furent saisies. Un petit nombre de ces malheureux réussit à échapper aux atteintes de l’inquisition ; ils se réfugièrent sur les terres de Guido Ubaldo, duc d’Urbin, qui les accueillit avec bienveillance, dans l’espoir d’attirer, avec leur concours, le commerce d’Ancône à Pesaro. Hercule II, duc de Ferrare, offrit également un asile aux Marranes (décembre 1555).

Parmi les fugitifs d’Ancône venus à Pesaro se trouvait un médecin distingué, Amatus Lusitanus (1514-1568). Comme chrétien, il portait aussi le nom de João Rodrigo de Castel-Branco. Il semble être parti du Portugal quand l’Inquisition y eut été introduite. Après avoir résidé quelque temps à Anvers, capitale de la Flandre, à Ferrare et à Rome, il se fixa définitivement (vers 1549) à Ancône, où il prit ouvertement le nom de famille Habib, qu’il rendit en latin par Amatus Lusitanus. Quoiqu’il fût revenu publiquement au judaïsme, le pape Jutes III l’employa comme médecin.

Du reste, la réputation d’Amatus était grande et on venait le consulter de loin. Il pouvait se rendre cette justice qu’il prodiguait les mêmes soins dévoués aux pauvres qu’aux riches et qu’il témoignait la même sollicitude pour les Turcs, les Chrétiens et les Juifs. Ses élèves étaient nombreux et manifestaient pour lui le plus profond attachement. Il publia un certain nombre d’ouvrages médicaux, qui eurent plusieurs éditions de son vivant. Sollicité par le roi de Pologne de venir à sa cour comme médecin, il refusa cette flatteuse proposition. Tel était l’homme que Paul IV obligea à s’enfuir d’Ancône comme un malfaiteur, parce qu’il ne voulait pas reprendre le masque du christianisme.

Pour laisser la vie sauve aux Marranes arrêtés à Ancône au nombre d’une centaine, Paul IV exigea qu’ils fissent une profession de foi catholique, fussent ensuite dépouillés de leurs fonctions et de leurs dignités et transportés à Malte. Soixante se soumirent