Page:Graffin - Nau - Patrologia orientalis, tome 4, fascicule 2 - Les plus anciens monuments du Christianisme.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
[12]
LES PLUS ANCIENS MONUMENTS DU CHRISTIANISME.

nous a révélé des analogies assez frappantes dans ce détail d’administration entre l’Égypte et la Judée.

Alors dans les deux pays se trouvait une race indigène opposée à l’Hellénisme et luttant contre son influence politique et civilisatrice, mais s’en rapprochant malgré elle. Le Grec fut, en Égypte comme en Judée, la langue de l’intelligence, et cette identité de la langue usuelle dans les classes dirigeantes et intelligentes favorisa la propagation des nouvelles idées entre les deux pays. Il est aussi à considérer que les Juifs sortis de leur pays et arrivés, en Égypte y étaient chez eux, tant l’élément juif était puissant dans la population égyptienne[1]. On sait que la version des Septante naquit en Égypte, où Philon le juif était rival de Platon[2], où les capitales avaient leurs quartiers juifs, et nous devons au hasard de posséder maintenant une connaissance détaillée du ghetto de la rue dite Apolloniou Parembolé de la capitale du Faioum, c’est-à-dire de la ville d’Arsinoé en l’an 72, grâce aux éclaircissements d’un papyrus grec[3]. On a été étonné de voir parmi les portraits encaustiques de l’époque gréco-romaine qu’on a découverts en Égypte à Roubayyat du Faioum, il y a quinze ans environ, tant de physionomies juives et si peu d’indigènes. C’est une marque de la propagation et de l’extension juive même dans les provinces du pays[4].

L’Égypte était bien préparée pour la propagation de la Bonne Nouvelle[5]. Il est très probable que les premiers chrétiens en Égypte furent des Juifs hellénisants et que saint Marc le premier christianisa l’Égypte. Le christianisme était déjà puissant dans ce pays à la mort de saint Marc qui, après avoir prêché l’Évangile en Libye, arriva en Égypte et dans la Thébaïde, évangélisa alors les environs d’Alexandrie et la capitale même ; puis, entré dans la Pentapole, il y établit des évêchés et, revenu à Alexandrie après d’autres voyages, il y fut martyrisé en 62 ou 68[6].

Il serait trop long de donner même un aperçu de l’histoire de l’église chrétienne en Égypte, il suffira d’en rappeler deux grands chapitres seulement ; l’un est l’histoire des persécutions, l’autre est celui des hérésies.

  1. Bouché-Leclercq, op. cit., I, 50, E. Schürer, Geschichte des jüdischen Volkes im Zeitalter Iesu Christi, t. 1, 3, Leipzig, 1901, p. 65-70. Th. Reinach, Textes d’auteurs grecs et romains, relatifs au judaïsme, réunis, traduits et annotés, Paris, Leroux, 1896 ; Juifs et Grecs devant un empereur romain, Revue des études juives, XXVII, 1893, pp. 70-82 ; L’empereur Claude et les antisémites alexandrins d’après un nouveau papyrus, Rev. ét. juives, XXX, 1895, pp. 161-178 ; Comptes rend. Ac. Inscr., 1896, XXIV. G. A. Deissmann, Neuentdeckte Papyrusfragmente zur Geschichte des griechischen Iudentums, Theolog. Litteraturzeitung, XXIII, 1898, pp. 602-606, Oxyrhynchus Papyri, I, n° 33, papyrus du Louvre 68.
  2. « Ou bien Platon a été philonisant ou Philon platonisant » d’après Suidas.
  3. Wessely, Une colonie juive à Arsinoé au Faioum l’an 72/3 de notre ère : Congrès des orientalistes, Alger, 1905 ; Studien zur Palaeographie und Papyruskunde, I, 1901, p. 8-10 ; IV, 1905, p. 60.
  4. (Theodor Graf), Antike Porträts aus hellenistischer Zeit (Vienne) ; W. M. Flinders-Petrie, Kahun-Gurob and Hawara, London, 1890, pl. I.
  5. H. Hyvernat, Étude sur les versions coptes de la Bible, Revue biblique, 1896-1897.
  6. Tillemont, Hist. ecclés. : Saint Marc ; Bolland., Acta SS. Iun. VII, p. 12*-14*.