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et celle du vers de douze fait hurler la syntaxe :

Hastive ores ne peut la mort siller mes yeux[1].

(Garnier, Cornélie)

Et qu’on ne fait sinon aux richesses la cour[2].

(id., Bradamante)

Mon chef blanchit dessous les neiges entassées[3].

(D’Aubigné)

La césure féminine devait sembler alors particulièrement choquante ; c’est pourquoi on l’abolit définitivement au milieu du xvie siècle.

Réaction contre la faiblesse de la césure. — Mais quand la césure fut affaiblie à ce point, les vers un peu longs, comme celui de douze syllabes, ne se distinguaient plus guère de la prose que par la rime. Aussi Ronsard trouve que « les alexandrins sentent trop la prose très facile, sont trop énervés et flasques ». Il protesta donc, et la Pléiade avec lui, contre les césures qui n’étaient pas marquées par le sens ; mais eux-mêmes ne se conformèrent pas toujours à cette exigence. Malherbe, et après lui Boileau, en firent une règle absolue, à laquelle leurs contemporains avec eux s’astreignirent assez scrupuleusement.

Mais ces protestations et ces réglementations n’empêchèrent pas le changement fondamental qui s’était produit dans les vers français depuis quatre siècles. La césure des vers du xviie siècle n’est plus une pause, c’est une simple coupe.

Les accents et les coupes. — Dans les anciens vers français les hémistiches de quatre syllabes avaient

  1. « La mort ne peut maintenant fermer trop tôt mes yeux. »
  2. « Et qu’on ne fait la cour qu’aux richesses. »
  3. « Ma tête blanchit sous les neiges entassées. »