Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/31

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Dans ce cas l’n se prononçait encore faiblement comme consonne après la voyelle nasale au début du xviie siècle ; mais les plus fidèles observateurs de la règle de Malherbe continuèrent à tolérer cet hiatus quand l’n eut totalement cessé de se prononcer.

On admit l’hiatus quand la première voyelle était suivie d’une consonne qui ne se prononçait pas, en excluant toutefois de cette tolérance le mot et :

Rendre docile au frein un coursier indompté.

(Racine, Phèdre)

On admit l’hiatus lorsque la seconde voyelle était précédée d’une h dite aspirée :

Faire honte à ces rois que le travail étonne.

(Boileau)

Pourtant cette consonne ne se prononçait pas ; il n’y avait déjà à cette époque aucune différence de prononciation entre la honte et la onzième.

On admit l’hiatus quand la première voyelle était immédiatement suivie d’un e final atone élidé sur la seconde, bien que, par le fait même de l’élision, les deux voyelles fussent directement en contact :

Il y va de ma vie et je ne puis rien dire.

(Racine, Bajazet)

Toutes ces tolérances reposaient d’ailleurs sur un principe faux, à savoir que la consonne ou la voyelle qui figurait dans l’orthographe entre les deux voyelles faisant hiatus supprimait ce dernier pour les yeux ; or l’hiatus est uniquement un fait de prononciation et la vue ni l’orthographe n’ont à y intervenir. La musique n’est pas faite pour les yeux, la poésie non plus.