Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/30

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Celui corage qu’ele a ore
Espoir changera ele encore[1].

(Chevalier au lion)

De ce que il li avoit dit[2].

(id.)

Proscription de l’hiatus. — Peu à peu, l’art devenant plus délicat, on fut choqué par certaines rencontres de voyelles « qui font les vers merveilleusement rudes en nostre langue », selon l’expression de Ronsard. Aussi les poètes de la Pléiade n’admirent-ils plus guère l’hiatus qu’entre des monosyllabes atones, comme tu, qui, y, et, ou, et une voyelle initiale ; ou bien quand ils acceptèrent que la première des deux voyelles fût tonique et finale d’un polysyllabe, ils la placèrent le plus souvent devant la césure, pensant avec raison qu’à cette place la coupe et éventuellement une légère pause pouvaient dans une certaine mesure adoucir l’hiatus :

Je n’ay jamais servi | autres maistres que rois.

(Ronsard)

Mais les poètes du xvie siècle n’arrivèrent pas à formuler une règle nette ; l’hésitation et la gêne persistèrent, jusqu’au jour où Malherbe, et après lui Boileau, proscrivirent totalement l’hiatus.

Restrictions. — On se conforma à leur règle, mais elle n’était absolue qu’en apparence. On admit l’hiatus lorsque la première voyelle était une nasale :

Narcisse, c’en est fait : Néron est amoureux.

(Racine, Britannicus)
  1. « Les sentiments qu’elle éprouve maintenant peut-être changeront-ils. »
  2. « De ce qu’il lui avait dit. »