Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nière on obtint la variété continuelle des rimes à coup sûr et mécaniquement.

Cette règle d’alternance, qui est à vrai dire la plus importante des règles classiques concernant le rime, a été observée jusqu’à nos jours. On vient de voir par quelles étapes successives elle a été obtenue, et qu’elle avait pour but d’éviter la monotonie et d’atteindre la variété, qui est par elle seule un charme.

Proscription des rimes banales. — C’est le même besoin de variété qui a fait naître les autres règles classiques relatives à la rime, en particulier la proscription des rimes trop faciles ou trop banales. Ainsi on blâme la rime d’un mot simple avec son composé : ordre et désordre, voir et prévoir, de deux composés contenant le même simple : bonheur et malheur, conduire et introduire, car ce serait faire rimer un mot avec lui-même. On ne l’admet qu’au cas où les deux mots se distinguent par une signification dont la différence est bien marquée : pas et point particules négatives riment bien avec pas et point substantifs, front avec affront, prix avec mépris. On n’aime pas les rimes de deux mots qui expriment des idées tout à fait analogues ou exactement opposées, comme douleur et malheur, chrétien et païen ; ce sont des rimes trop faciles et qui reviendraient trop souvent : la composition poétique condamne la négligence et la vulgarité. Les mots qui s’appellent presque forcément, comme gloire et victoire, guerriers et lauriers constituent des rimes banales.

Les mots d’une même catégorie grammaticale. — On tolère la rime de beauté avec bonté, trouvée avec lavée, délibérer avec pleurer, trouva avec cultiva, puni avec fini, perdu avec vendu, éclatant avec im-