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Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/41

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et qu’un autre va venir ; tant que la seconde rime n’a pas été entendue, l’esprit est dans l’attente ; dès qu’elle a sonné à l’oreille, il se repose dans le sentiment de satisfaction qui naît de toute combinaison harmonieuse reconnue parfaite.

La rime et l’orthographe. — N’étant faite que pour l’oreille, la rime n’a pas à tenir compte de l’orthographe, et des rimes comme les suivantes sont irréprochables :

Cet homme en mon esprit restait comme un prodige,
Et, parlant à mon père : Ô mon père, lui dis-je

(Hugo, Feuilles d’automne)

Pourquoi Manon Lescaut, dès la première scène,
Est-elle si vivante et si vraiment humaine ?

(Musset, Namouna)

Mais toute rime dont la voyelle tonique n’a pas les deux fois le même timbre est blâmable et même, à proprement parler, fausse puisqu’elle n’est pas même une assonance :

Terre de la patrie, ô sol trois fois sac,
Parlez tous ! Soyez tous témoins que je dis vrai.

(Leconte de Lisle, Les Érinnyes)

Lorsqu’il eut bien fait voir l’héritier de ses trônes
Aux vieilles nations comme aux vieilles couronnes.

(Hugo, Napoléon III)

La rime est mauvaise aussi quand elle est constituée par deux mots terminés par une consonne qui se prononce dans l’un et pas dans l’autre :

Le reste existait-il ? — Le grand père mourut.
Quand Sem dit à Rachel, quand Booz dit à Ruth.

(Hugo, Petit Paul)

Les rimes de ce genre sont en contradiction avec