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Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/40

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pleine, d’une netteté plus frappante que lorsqu’elles sont plates ; il ne faut pas que la rime énoncée soit assez vague pour qu’on l’ait oubliée quand vient celle qui lui répond. On le remarqua de bonne heure, d’où la recherche des rimes riches et des rimes rares. On appelle rimes riches celles qui présentent l’homophonie d’un élément de plus que ceux qui sont indispensables aux rimes suffisantes. Ainsi banni et fini ne riment pas richement puisque l’n est le seul élément qui les empêche de simplement assoner ; mais bannir et finir, parti et sorti riment richement puisque la rime était suffisante sans l’n des deux premiers exemples et sans l’r des deux suivants.

Utilité de la rime. — La rime est indispensable à nos vers parce que c’est elle qui en marque la fin. La structure intérieure de l’alexandrin n’est pas soumise à des règles assez fixes, les éléments rythmiques peuvent être constitués de manières trop variées pour que des vers sans rimes, ou vers blancs, ne se confondent pas bien vite avec de la prose un peu régulière. C’est ce qui explique que les tentatives faites à diverses reprises pour installer en France les vers blancs, aient toujours échoué. Quant aux vers libres, ils ne sont des vers qu’à condition d’être rimés ; sans rimes il est impossible de reconnaître leur forme et de savoir à quel endroit l’on passe d’un vers à un autre ; sans rimes ils ne sont des vers que sur le papier et pour les yeux. Or les vers sont essentiellement faits pour être entendus : leurs coupes, leur rythme, leur musique, leur rime, tout ce qui les constitue est fait en vue de l’oreille. Lire des vers seulement des yeux est un contre-sens. La rime avertit l’oreille qu’un groupe rythmique est complet