Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/59

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De même que dans l’intérieur d’un vers l’emploi d’une mesure plus rapide est propre à exprimer la rapidité, de même l’arrivée d’un vers plus rapide et l’augmentation de vitesse qu’il apporte correspond bien à la représentation d’un mouvement rapide, physique ou moral :

De moment en moment le sort est moins obscur,
Et l’on sent bien | qu’on est emporté | vers l’azur.

(Hugo, Contemplations)

Enfin, dans l’air brûlant et qu’il embrase encor,
Sous le pistil géant qui s’érige, il éclate,
Et l’étami|ne lance au loin | le pollen d’or.

(Hérédia)

Leur bouche, d’un seul cri, dit : Vive l’empereur !
Puis, à pas lents, | musique en tê|te, sans fureur,
Tranquille, souriant à la mitraille anglaise,
La garde impériale entra dans la fournaise.

(Hugo, L’Expiation)

Le mouvement de la garde est peint par le trimètre. C’est un mouvement lent et non un mouvement rapide ; mais il n’y a pas là de contradiction avec les principes. L’arrivée d’un trimètre après un tétramètre constitue une accélération, et par conséquent est propre à exprimer une augmentation de vitesse, c’est-à-dire le passage d’un mouvement lent à un mouvement plus rapide ou bien, comme ici, le passage de l’immobilité à un mouvement lent, à un mouvement quelconque. Un trimètre succédant à un tétramètre peint un changement, par contraste ; c’est pourquoi, dans ce dernier exemple, le mouvement n’est pas exprimé par le vers qui contient le mot « entra », mais par celui qui nous montre que la garde s’ébranle, se met en marche ; au moment où elle entre dans la four-