Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/64

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Faux trimètres de Racine. — Mais, dans ses tragédies, il n’y a pas un seul trimètre. Ceux qu’on a cru y découvrir ne résistent pas à un examen attentif. Pourtant il en est plusieurs qui semblent au premier abord fournir un moyen d’expression analogue à ceux que présentent les trimètres de V. Hugo, c’est-à-dire qu’ils contiennent une des idées les plus importantes de la scène où ils se trouvent :

Et Mardochée | est-il aussi | de ce festin ?

(Esther)

Roi sans gloi|re j’irois vieillir | dans ma famille.

(Iphigénie)

Ce qu’il y a de particulier dans ces vers. — Il est certain que Racine coupait ces prétendus trimètres après la sixième syllabe ; c’étaient donc des tétramètres. Ils ont une coupe faible à l’hémistiche, tandis que les ternaires n’en ont pas du tout ; ils ont pour but et pour effet de faire ressortir un seul mot, tandis que le changement de rythme met les ternaires en relief d’un bout à l’autre. Lorsqu’Aman dit :

Et Mardochée | est-il | aussi | de ce festin ?

c’est seulement le mot « aussi » sur lequel il appuie et qui exprime toute son inquiétude. Quand Agamemnon dit à Arcas :

De quel front immolant tout l’État à ma fille,
Roi sans gloi|re, j’irois | vieillir | dans ma famille !

c’est sur le mot « vieillir » qu’il insiste et qu’il fait porter tout le poids de son mépris.

Le même type chez les autres poètes du xviie siècle. — Les vers de ce genre, construits de manière à faire